Les Surligneurs est un média indépendant qui lutte contre la désinformation juridique.

rubriques
Un navire de la compagnie « Bunker Haltbakk » dans le Korsfjord en 2020. Photo : Cavernia - CC BY-SA 4.0.

Une entreprise pétrolière norvégienne refuse-t-elle de ravitailler un navire de guerre américain ?

Création : 11 mars 2025

Auteur  : Nicolas Kirilowits, journaliste

Relectrice  : Clara Robert-Motta, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article  : aucun

Secrétariat de rédaction  : Etienne Merle, journaliste

Source : Compte Facebook, le 2 mars 2025

Une compagnie pétrolière norvégienne, spécialisée dans le ravitaillement maritime, a bel et bien annoncé cesser de fournir du carburant aux forces états-uniennes en Norvège. Mais cette décision n’a pas été suivie par le gouvernement norvégien et rien ne prouve que la menace a été mise à exécution.

C’est un effet collatéral pour le moins inattendu de la discussion houleuse survenue, le 28 février dernier dans le bureau ovale, entre Donald Trump, son vice-président J.D. Vance et le président ukrainien, Volodymyr Zelensky. D’après des internautes, la Norvège refuserait désormais de ravitailler en carburant les navires états-uniens pour protester contre la gestion des relations des États-Unis avec l’Ukraine. 

« La Norvège poignarde dans le dos la marine américaine, écrit un internaute. La Norvège vient de cracher au visage de l’Amérique, refusant de fournir du carburant à un sous-marin américain dans une démonstration pathétique de déloyauté ! »

De nombreuses publications expliquent qu’une société norvégienne, Haltbakk Bunker, aurait refusé de ravitailler un navire états-unien, le USS Delaware. « Le géant pétrolier norvégien Haltbakk Bunkers refuse de ravitailler les navires de l’US Navy. En conséquence de quoi, un sous-marin d’attaque américain, le USS Delaware, a été interdit de ravitaillement », assure un internaute avant de détailler une raison : « La décision fait suite au comportement de Trump face à Zelensky. »

Aucune décision aussi drastique n’a eu lieu de la part du gouvernement norvégien. En réalité, il n’y a eu qu’une annonce d’une entreprise privée.

La discussion entre Donald Trump, J.D. Vance et Volodymyr Zelensky à la Maison-Blanche a outré au-delà des frontières, et plusieurs entreprises, notamment norvégiennes, ont appelé au boycott. C’est le cas de l’entreprise Haltbakk Bunker, spécialisée dans le ravitaillement pétrolier marin et qui compte notamment comme client l’OTAN selon son site Internet.

 Face à ce qu’elle nomme « le plus grand merdier jamais présenté en direct à la télévision », la société norvégienne a annoncé, le 1er mars dernier, dans un post Facebook, « cesser immédiatement de fournir du carburant aux forces américaines en Norvège et à leurs navires faisant escale dans les ports norvégiens ». Le message est désormais inaccessible, mais a été repris par différents articles de presse norvégiens, notamment (lien 1, lien 2).

Une annonce qui a entraîné une série de malentendus sur les réseaux sociaux. En effet, de nombreuses publications ont indiqué que ce choix s’était notamment appliqué à un sous-marin nucléaire états-unien en particulier, l’USS Delaware. Or, comme l’indique le post de l’entreprise, aucun navire en particulier n’est visé par la mesure, si ce n’est l’ensemble des bâtiments de guerre états-uniens qui souhaiteraient se ravitailler auprès d’elle. 

Des rumeurs de demi-tour

Mais alors depuis ? Difficile à savoir. Contactée par Les Surligneurs, l’entreprise norvégienne — dont la page Facebook n’est plus accessible — n’a pas répondu à nos questions, tout comme le service presse de la marine états-unienne. De son côté, le média en ligne norvégien Kystens Naeringsliv, spécialiste des questions maritimes, et qui affirme être le premier média à avoir publié un article sur le sujet, nous indique n’avoir aucune information à ce propos. 

Cependant, la rédaction du journal a confirmé aux Surligneurs que les rumeurs selon lesquelles un sous-marin de la marine états-unienne aurait dû faire demi-tour du fait de la décision de Haltbakk Bunker étaient des « fake news », comme ils l’avaient déjà écrit dans un article publié le 3 mars.

Aussi, contrairement à une interprétation qui a pu être faite, la décision n’est pas celle de la Norvège, en tant qu’État, membre lui aussi de l’OTAN comme les États-Unis, mais bien d’une seule entreprise privée. 

La Norvège a démenti soutenir la décision

Dans un communiqué de presse, publié dès le 2 mars, le ministre de la Défense norvégienne, Tore O. Sandvik, s’est empressé d’indiquer que « les États-Unis et la Norvège entretiennent une coopération étroite et solide en matière de défense. Les forces américaines continueront à recevoir l’approvisionnement et le soutien dont elles ont besoin de la part de la Norvège. »

« Nous dirigeons une entreprise privée et choisissons nos clients », a pour sa part déclaré le PDG de Haltbakk Bunker, Gunnar Gran, au journal Kystens Naeringsliv. Ce dernier a reconnu lui-même que ce boycott à titre privé « ne fera pas chavirer qui que ce soit ». Dans son message initial, l’entreprise encourageait « tous les norvégiens et européens à suivre leur exemple. »

Selon différents articles de presse, les appels au boycott de produits états-uniens se multiplient ces dernières semaines pour s’opposer à la politique de Donald Trump et de son administration : Euronews, France 24, Le Monde, BBC