Nicolas Dupont-Aignan propose que les imams « prêtent serment de fidélité à la République »

Création : 24 mai 2018
Dernière modification : 15 juin 2022

Auteur : Thibaut Fleury-Graff

Source : L’Express, 15 mai 2018

La proposition de M. Dupont-Aignan ne relève ni de sa compétence ni de celle du législateur français. Quand bien même ce serait le cas, elle serait inutile, puisque le droit permet déjà d’expulser un étranger ne respectant pas les valeurs que le président de « Debout la France » promeut.

Lors d’une conférence de presse du 15 mai 2018, Nicolas Dupont-Aignan, président de « Debout la France » a exprimé le souhait que les « trois cents imams » qui « arrivent de l’étranger pour le ramadan », « signent un texte qui exigerait le prêche en français et un serment de fidélité à la France et à la République », sous peine d’expulsion du territoire. Nous avons déjà montré les difficultés que poserait l’obligation de prêcher en français du point de vue de la liberté religieuse réclamée par Virginie Calmels. Le projet d’instaurer un « serment de fidélité à la France et à la République » obligeant les imams à reconnaître « l’égalité homme femme », « la tolérance envers les minorités sexuelles », « la liberté d’expression », « l’apostasie » (…), comme le réclame N. Dupont-Aignan, se heurterait à un obstacle insurmontable.

En effet, les conditions d’entrée et de séjour sur le territoire français ne dépendent pas de la volonté de M. Dupont-Aignan ni de celle du législateur national pour des séjours de moins de trois mois. M. Dupont-Aignan vise expressément les imams qui viennent en France pour le jeûne du mois de Ramadan. La durée de leur séjour est donc d’environ trente jours (du 17 mai au 14 juin cette année). Or, pour un séjour de moins de trois mois, les conditions d’entrée et de séjour relèvent de la compétence exclusive de l’Union européenne. En particulier, le droit de l’Union exige un visa, dont la délivrance est subordonnée notamment à la brièveté du séjour, aux moyens de subsistance suffisants, et à l’absence de menace « pour l’ordre public, la sécurité intérieure, ou la santé publique » (code communautaire des visas, art. 32§1, a vi). L’absence d’une telle menace pourra également être à nouveau vérifiée à l’occasion de l’entrée dans l’espace Schengen (art. 6.1.e du « code frontières Schengen »). Mais rien dans ces textes ne prévoit donc de serment de fidélité à quoi que ce soit.

En toute hypothèse, le « serment de fidélité » proposé par M. Dupont-Aignan est sans intérêt, puisque le droit permet déjà de réprimer la plupart des comportements visés dans ce « serment », même dans le cadre d’un court séjour : un étranger présent sur le territoire français pourra toujours faire l’objet d’une mesure d’expulsion si son comportement « constitue des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes » (art. L521-3 CESEDA).

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