La secrétaire d’État à l’Économie Agnès Pannier-Runacher a assuré que « si M. Ghosn venait en France, nous ne l’extraderions pas, parce que la France n’extrade jamais ses nationaux »
Dernière modification : 20 juin 2022
Auteur : Valentin Caro, étudiant en master droit, sous la direction de Tania Racho, docteure en droit, enseignante à l’université de Picardie Jules Vernes
Source : BFM TV, Bourdin Direct, 2 janvier 2020
La secrétaire d’État a bien raison : la France n’extrade jamais ses nationaux. Mais le juriste aime trouver la petite bête, et il y a une exception : la France peut “remettre” ses propres citoyens aux autorités judiciaires d’un autre État, s’il est membre de l’Union européenne. Exemple : Mehdi Nemmouche, français remis à la Belgique, accusé d’être l’auteur de l’attentat du Musée juif de Bruxelles.
C’est vrai, la France ne pratique jamais l’extradition pour ses citoyens, et ce depuis la loi du 10 mars 1927 relative à l’extradition des étrangers. Ce principe ancien est même désormais inscrit dans le code de procédure pénale depuis une loi de 2004. En effet, « l’extradition n’est pas accordée […] lorsque la personne réclamée a la nationalité française ». La Cour de cassation a même été plus loin puisqu’elle a jugé que l’extradition d’un national est interdite même s’il donne son consentement.
Alors, comment peut-on expliquer la remise aux autorités belges de Mehdi Nemmouche, accusé d’être l’auteur de l’attaque du Musée juif de Bruxelles ? Il était pourtant citoyen français et fermement opposé à sa remise aux autorités belges. C’était aussi le cas de l’indépendantiste basque Aurore Martin, Française accusée de terrorisme par la justice espagnole.
En réalité, certaines remises de nationaux aux autorités judiciaires de pays membres de l’Union européenne sont possibles en utilisant le mécanisme du mandat d’arrêt européen. Attention cependant, le mandat d’arrêt européen n’est pas une extradition, mais une simple remise judiciaire. Autrement dit, contrairement à l’extradition qui est une forme d’entraide internationale, de relation diplomatique et politique entre gouvernements, le mandat d’arrêt européen est une procédure judiciaire de l’Union, qui s’exécute entre juges indépendants. Le mandat d’arrêt européen ressemble donc à l’extradition, mais n’est finalement qu’une simple remise. Ce qui crée d’ailleurs des confusions régulières et quelques surlignages.
Ainsi, la remise de Mehdi Nemmouche par la France aux autorités judiciaires belges est rendue possible puisqu’elle fait suite à un mandat d’arrêt européen.
Dans le contexte de l’affaire concernant Carlos Ghosn, s’il décidait de rentrer en France, il ne pourrait pas être extradé au Japon, puisque d’une part le Japon n’est pas membre de l’Union européenne et que d’autre part, il a bien la nationalité française. La ministre a donc raison : la France n’extrade jamais ses nationaux, mais elle peut remettre des citoyens français aux autorités membres de l’Union européenne par le mécanisme du mandat d’arrêt européen.
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