Caroline Fiat soulève un vrai problème mais simplifie la réalité lorsqu’elle affirme qu’il est “grand temps d’encadrer les quelques 4000 ‘euthanasies’ clandestines [pratiquées sur les patients] contre leur gré, en catimini, dans nos hôpitaux”

Création : 1 février 2018
Dernière modification : 17 juin 2022

Auteur : Jean-Paul Markus (et Gabriel Percevaut pour les recherches)

Source : Compte Twitter Caroline Fiat, 24 janv. 2018

En droit, il est faux d’affirmer que 4000 euthanasies se pratiquent en catimini dans nos hôpitaux. Ces sont pour la plupart des « arrêts de traitements » parfaitement légaux.

L’objectif de Caroline Fiat est d’encadrer les pratiques dites d’euthanasie à travers une proposition de loi de son groupe La France insoumise. Elle soulève un réel problème qui mine le quotidien des professionnels de santé confrontés à la fin de vie. Pour autant, tout n’est pas euthanasie, et surtout l’euthanasie n’existe pas en droit français. Lorsqu’on cherche des sources sur les chiffres de décisions médicales relatives à la fin de vie, on tombe notamment sur un document de l’INED qui recense les « abstentions de traitements », les arrêts de traitement, l’intensification des traitements antidouleur, etc., et aussi « l’administration de médicaments pour mettre délibérément fin à la vie » (38 cas pour 4723 décisions médicales).

En droit, les choses sont claires : l’administration de médicaments pour mettre délibérément fin à la vie est actuellement un meurtre (code pénal, art. 221-1). C’est notamment l’affaire Bonnemaison, ce médecin condamné à deux ans d’emprisonnement avec sursis. C’est entre autre ce que voudrait modifier la France insoumise.

Dans les autres cas, les médecins cherchent à éviter « l’obstination déraisonnable » (ou « acharnement thérapeutique »), et qui est interdite par la loi. Elle consiste à administrer des traitements « inutiles ou disproportionnés » avec pour seul effet « le maintien artificiel de la vie ». La loi prévoit alors « l’arrêt des traitements », qui se décide, en principe, non pas « en catimini », mais au cours d’une une procédure dite « collégiale » : le médecin consulte d’abord les « directives anticipées » de son patient lorsqu’il en a laissées. En l’absence de telles directives, il réunit toute l’équipe soignante, prend l’avis d’un ou deux médecins extérieurs, ainsi que l’avis des proches.

Si la décision d’arrêter les traitements est prise, le médecin dispense des soins palliatifs (code de la santé publique, art. L. 1110-5-1). Il s’agit d’une « sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience (…) associée à une analgésie et à l’arrêt de l’ensemble des traitements de maintien en vie » (art. R. 4127-37-3). C’est ce qu’on appelle parfois (mais pas en droit) l’euthanasie « passive », car cette sédation profonde peut avoir pour effet d’accélérer la survenue de la mort. C’est légal, et ce n’est jamais « contre le gré des patients » comme le prétend Mme Fiat, car par définition, dans ces circonstances, le patient n’est plus en état d’exprimer sa volonté.

 

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