David Rachline interdit le burkini sur les plages de Fréjus
Dernière modification : 1 juillet 2022
Auteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay
Secrétariat de rédaction: Yeni Daimallah et Emma Cacciamani
Source : BFMTV, 20 mai 2022
L’interdiction du burkini dans les piscines existe déjà dans les faits, même si on attend la décision du juge à propos du cas de Grenoble. Mais sur les plages, cette interdiction est clairement illégale.
David Rachline, maire Rassemblement National (RN) de Fréjus et vice-président du parti, réagit à sa manière à la décision grenobloise d’autoriser le burkini dans les piscines municipales et dont le tribunal administratif doit décider de la légalité : il annonce interdire le port de ce vêtement de bain “dans les piscines et pour la baignade sur les plages fréjusiennes“. Motifs : “hygiène et sécurité publiques”, “principe républicain fondamental de laïcité”. Cette décision a alors fait le tour des plateformes : Facebook, Twitter, TiKtok, Google news, etc.
Le cas des piscines municipales : il existe déjà une interdiction indirecte
On ne s’attardera pas sur le cas des piscines : la plupart des règlements intérieurs, sans viser expressément les burkinis, limitent les catégories de vêtements de bain autorisées, en excluant par exemple les caleçons et shorts de bain, ou en rendant obligatoire les maillots “ajustés”, une ou deux pièces. Les raisons souvent invoquées sont liées à l’hygiène, d’autant que les vêtements en question peuvent aussi être portés hors de la piscine (pour les shorts de bain amples), d’où les risques sanitaires. S’agissant des burkinis, le juge administratif doit se prononcer sur leur compatibilité avec les règles d’hygiène, à Grenoble.
Le cas des plages : l’interdiction est illégale
Mais à la plage, il en va autrement. La liberté vestimentaire règne, dès lors que la décence est respectée. Le Conseil d’État protège cette liberté. Il a expressément affirmé en 2016, face au maire de Villeneuve-Loubet qui avait interdit les burkinis à la plage, que le port de ce vêtement n’est pas incompatible avec le principe de laïcité, mais il peut être à l’origine de troubles à l’ordre public. Citons le juge, c’est important : “il ne résulte pas de l’instruction que des risques de trouble à l’ordre public aient résulté, sur les plages de la commune de Villeneuve-Loubet, de la tenue adoptée en vue de la baignade par certaines personnes”.
Autrement dit, le burkini ne pose en soi aucun problème d’ordre public sur les plages, que ce soit sur le plan sécuritaire ou sanitaire. Au passage, le juge a rejeté l’argument de la laïcité, qui ne s’applique pas sur les plages mais dans les services publics et pour les seuls agents publics, pas les usagers.
Seule réserve : les troubles à l’ordre public
Seule réserve, le port de ce vêtement peut susciter des troubles à l’ordre public, selon les circonstances. Le juge avait ainsi donné raison au maire de Sisco (Corse) qui avait interdit temporairement le burkini sur certaines plages de la commune en 2017. Motif : une “violente altercation entre un groupe de familles d’origine maghrébine dont, selon plusieurs témoignages concordants, les femmes portaient sur la plage une tenue dénommée “hijab” ou “burka”, et une quarantaine d’habitants de la commune”. Cette rixe avait nécessité l’intervention d’une “centaine de CRS et de gendarmes qui ont dû établir un périmètre de sécurité autour des trois familles afin d’éviter leur lynchage par la population et avait abouti à l’hospitalisation de cinq personnes, ainsi qu’à l’incendie de trois véhicules”. En outre, le juge avait validé la décision du maire corse, en raison de son caractère provisoire et limité à certaines plages de la commune.
Rien de tel à Fréjus, heureusement d’ailleurs. L’arrêté du maire est donc illégal.
Contacté, David Rachline n’a pas répondu à nos sollicitations.
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