Selon Éric Dupond-Moretti, son gouvernement en a fait “bien plus” que les précédents en matière de protection face aux violences conjugales
Dernière modification : 22 juin 2022
Autrice : Marie-Élise Auguères, master droit européen des droits de l’Homme, Université Lyon 3 Jean Moulin
Relectrice : Charlotte Vincent-Luengo, doctorante en sciences criminelles, Université de Lille
Source : Public Sénat, 12 mai 2021
Toutes les mesures citées, que le ministre de la Justice attribue aux gouvernements de la présidence d’Emmanuel Macron, ont en réalité été inscrites dans la loi bien avant. En revanche, il est vrai que les gouvernements Philippe et Castex ont parfois renforcé ces lois et ont surtout apporté des moyens pour leur application, qui étaient jusqu’à présent insuffisants.
Le 12 mai 2021, au Sénat, le Garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti répondait à la sénatrice Laurence Garnier (Les Républicains) à propos du décès de Chahinez Boutaa, brûlée vive une semaine plus tôt par son époux. Il a affirmé que le gouvernement actuel avait “mis en place le bracelet anti-rapprochement, le téléphone grave danger, l’ordonnance d’éloignement” et que par conséquent, il n’avait pas à “avoir honte d’avoir fait” ce que les gouvernements précédents n’avaient “jamais fait”. En réalité, ces mesures de protection avaient déjà été adoptées. Mais là où Éric Dupond-Moretti dit vrai, c’est que le gouvernement actuel les a mises en œuvre en donnant enfin les moyens pour qu’elles soient appliquées.
Les trois systèmes de protection des victimes de violences conjugales évoqués par Éric Dupond-Moretti, à savoir le bracelet anti-rapprochement, le téléphone grave danger et l’ordonnance d’éloignement, ne sont pas des nouveautés liées à la présidence d’Emmanuel Macron. Chacun des dispositifs avait déjà été inscrit dans la loi par ses prédécesseurs, mais les législations antérieures en la matière ont été renforcées et effectivement appliquées.
D’abord, le bracelet anti-rapprochement n’est pas l’œuvre du gouvernement actuel. Cet outil permet de maintenir à distance le conjoint violent, en le géo-localisant et en déclenchant une alarme en cas de rapprochement avec la victime. Il avait été mis en place à titre expérimental pour une durée de trois ans sous la présidence de Nicolas Sarkozy, en 2010. La législation actuelle renforce la protection des victimes, en généralisant ce mécanisme et en mobilisant plusieurs centaines de bracelets. L’auteur des violences doit être poursuivi pour une infraction punie au minimum de trois ans d’emprisonnement, ce qui est toujours le cas en matière de violences volontaires sur un conjoint. Avec la nouvelle législation, le bracelet anti-rapprochement pourra être mis en place avant une condamnation, en prévention, dans le cadre d’une ordonnance de protection.
Ensuite, le téléphone grave danger lui aussi existait depuis plusieurs années. Il avait été créé afin de permettre aux victimes de bénéficier d’une intervention immédiate des forces de l’ordre en cas de danger, et ce dès 2014, sous la présidence de François Hollande. Le gouvernement actuel élargit le recours au téléphone grave danger : d’une part son attribution peut être “sollicitée par tout moyen” ; d’autre part il peut être fourni non plus seulement si l’auteur de violences a interdiction “d’entrer en contact avec la victime”, mais également en cas de ”danger avéré et imminent” (loi de 2019).
Enfin, pour le Garde des Sceaux, l’ordonnance d’éloignement serait aussi le fruit du quinquennat d’Emmanuel Macron. Or ce dispositif a vu le jour il y a quinze ans, sous la présidence de Jacques Chirac, avec l’éviction du conjoint violent, en cas de divorce, du domicile conjugal. Ce mécanisme a ensuite été consolidé : éloignement à tous les stades de la procédure pénale et prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique, que ce soit pour le conjoint ou l’ex-conjoint, puis indépendamment de l’existence d’une procédure pénale ou de divorce. L’application de l’ordonnance d’éloignement a toutefois été effectivement élargie récemment : elle doit être délivrée dans un délai de six jours à compter de la fixation de la date de l’audience, et peut être décidée même en l’absence de cohabitation des conjoints (loi de 2019).
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