Zen 38, CC 3.0

Le maire de Lecci (Corse) interdit le port du burkini sur les plages

Création : 9 août 2024

Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public

Relecteur : Bertrand-Léo Combrade, professeur de droit public à l’Université de Poitiers

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Source : Corse Matin, 7 août 2024

Interdire le port du burkini sur les plages est illégal, sauf à démontrer l’existence de troubles à l’ordre public.

Chaque été rime avec vacances, soleil, plages, et arrêtés anti-burkini. Fidèle à la tradition estivale, le maire de la commune corse de Lecci a pris un arrêté pour interdire le port de ce vêtement de baignade utilisé par les femmes musulmanes. Une fois n’est pas coutume, Les Surligneurs sont présents pour rappeler qu’un tel arrêté est illégal.

Liberté vestimentaire sur les plages

À la plage, la liberté vestimentaire règne, dès lors que la décence est respectée. Le Conseil d’État protège cette liberté. Il a expressément affirmé en 2016, face au maire de Villeneuve-Loubet qui avait interdit les burkinis à la plage, que le port de ce vêtement n’est pas incompatible avec le principe de laïcité tout en pouvant être à l’origine de troubles à l’ordre public. En l’espèce, toutefois, selon le juge “il ne résulte pas de l’instruction que des risques de trouble à l’ordre public aient résulté, sur les plages de la commune de Villeneuve-Loubet, de la tenue adoptée en vue de la baignade par certaines personnes”.

Autrement dit, le burkini ne pose en soi aucun problème d’ordre public sur les plages, que ce soit sur le plan sécuritaire ou sanitaire. Au passage, le juge a rejeté l’argument de la laïcité, qui ne s’applique pas sur les plages mais dans les services publics et pour les seuls agents publics, pas les usagers.

Seule réserve : les troubles à l’ordre public

Le port de ce vêtement peut susciter des troubles à l’ordre public, selon les circonstances. Le juge avait ainsi donné raison au maire de Sisco (Corse) qui avait interdit temporairement le burkini sur certaines plages de la commune en 2017. Motif : une “violente altercation entre un groupe de familles d’origine maghrébine dont, selon plusieurs témoignages concordants, les femmes portaient sur la plage une tenue dénommée “hijab” ou “burka”, et une quarantaine d’habitants de la commune”. Cette rixe avait nécessité l’intervention d’une “centaine de CRS et de gendarmes qui ont dû établir un périmètre de sécurité autour des trois familles afin d’éviter leur lynchage par la population et avait abouti à l’hospitalisation de cinq personnes, ainsi qu’à l’incendie de trois véhicules”. En outre, le juge avait validé la décision du maire corse, en raison de son caractère provisoire et limité à certaines plages de la commune.

En l’occurrence, le maire le Lecci justifie son arrêté par le climat géopolitique tendu, facteur de troubles à l’ordre public. La préfecture a annoncé que cet arrêté fera l’objet d’un contrôle de légalité et saisira le Tribunal administratif si besoin.

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