Selon Nicolas Sarkozy « la question de la partialité de certains magistrats peut se poser » au regard de la jurisprudence de la CEDH

Création : 3 mars 2021
Dernière modification : 21 juin 2022

Autrice : Justine Coopman, master 2 droit de l’Union européenne, sous la direction de Tania Racho, docteure en droit public, Université Paris II Panthéon-Assas

Source : Le Figaro, le 3 mars 2021

Il n’est pas douteux que le corps des magistrats n’a guère apprécié les propos dénigrants que Nicolas Sarkozy a tenus à leur égard. De là à admettre que tout magistrat est partial, il y a un pas difficile à franchir. Si la Cour européenne suivait ce raisonnement, il suffirait à n’importe quel accusé ou prévenu d’insulter toute la magistrature, pour échapper à tout procès…

Nicolas Sarkozy a été condamné le 1er mars 2021, dans l’affaire dite “des écoutes”, à trois ans d’emprisonnement dont un an ferme pour corruption active et trafic d’influence. Sans surprise, l’ancien Président de la République compte faire appel.

Pour se défendre, Nicolas Sarkozy remet en cause l’impartialité des juges. Le principe d’impartialité, consacré à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH), fait partie du droit plus général de bénéficier d’un procès dit “équitable”. L’impartialité des juges se mesure à l’aune de critères objectifs et subjectifs : l’impartialité dite subjective s’intéresse à la conviction personnelle d’un juge dans une affaire donnée, tandis que l’impartialité dite objective est en cause lorsqu’un juge a eu antérieurement à traiter, professionnellement ou non, l’affaire qu’il doit juger.

Nicolas Sarkozy considère en effet que les magistrats ont fait preuve de partialité notamment à cause des propos qu’il a tenu lorsqu’il était Président de la République : il avait alors qualifié les magistrats de “petits pois arguant qu’ils se ressemblaient tous : même origines, même formation. Est-ce suffisant pour que la juridiction qui a condamné l’ancien président soit considérée comme partiale ? 

Selon Nicolas Sarkozy, il suffit qu’un justiciable puisse suspecter que son juge n’est pas impartial pour qu’il puisse réclamer qu’il se déporte. Il est vrai que selon la CEDH, une apparence d’impartialité peut suffire à considérer que le procès n’est pas équitable. Mais encore faut-il que cette apparence se manifeste aux yeux d’unobservateur objectif”, comme le précise la Cour elle-même dans un guide de sa jurisprudence. L’observateur objectif étant toute personne extérieure à l’affaire, raisonnablement informée et avisée. De ce point de vue, il n’est pas sûr qu’un observateur extérieur aurait le même ressenti que l’ancien Président de la République. 

C’est pourquoi il est difficile d’admettre une source d’impartialité des juges d’un tribunal parmi tant d’autres, sur la seule base d’une phrase que Nicolas Sarkozy a prononcée en 2014. Si la Cour européenne suivait ce raisonnement, il suffirait à n’importe quel accusé ou prévenu d’insulter toute la magistrature, pour échapper à tout procès…

On notera enfin que Nicolas Sarkozy indique qu’il va saisir la Cour européenne des droits de l’homme au sujet de son procès or il ne pourra le faire qu’à l’issue des différents recours possibles, donc après son appel et un éventuel pourvoi devant la Cour de cassation, soit pas avant quelques années. 

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