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#LegalCheck. Selon l’historien Marc Lazar, Emmanuel Macron pourrait démissionner puis se représenter à la présidentielle

Création : 11 juin 2024

Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public

Relecteur : Bertrand-Léo Combrade, professeur de droit public à l’Université de Poitiers

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Source : Public Sénat, 10 juin 2024

Selon l’interprétation la plus répandue de la Constitution, Emmanuel Macron ne peut pas prétendre à un troisième mandat consécutif. Il faudrait pour ce faire modifier la Constitution qui interdit au Président d’exercer plus de deux mandats consécutifs.

Alors qu’une campagne législative inattendue a commencé à la suite de la dissolution de l’Assemblée nationale par le Président de la République, les spéculations sont nombreuses. Certaines concernent le Président. L’historien et sociologue politique Marc Lazar avance que si le Rassemblement national remportait les élections législatives et que Jordan Bardella devenait Premier ministre, Emmanuel Macron démissionnerait puis se représenterait à l’élection présidentielle pour briguer un troisième mandat. Mais la Constitution interdit qu’un Président exerce plus de deux mandats consécutifs. Reste que cette notion de mandats consécutifs est sujette à interprétations.

La limitation à deux mandats consécutifs par la Constitution : des interprétations diverses

La question revient régulièrement depuis la réélection d’Emmanuel Macron en mai 2022 : peut-il se présenter pour un troisième mandat consécutif en 2027 ? L’article 6 de la Constitution répond par la négative : “Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs”. Cette limitation, voulue par Nicolas Sarkozy, a été introduite par la réforme constitutionnelle de 2008, à l’initiative du gouvernement Fillon. Elle mettait fin à la possibilité pour un Président de se présenter indéfiniment à sa succession, tous les cinq ans.

Un doute persiste cependant sur l’interprétation que l’on retient de l’expression “deux mandats consécutifs“. Faut-il comprendre un mandat complet, au sens où le Président doit avoir rempli ses deux mandats jusqu’à la tenue régulière de l’élection présidentielle suivante, pour être considéré comme ne pouvant plus se présenter ? Si c’est le cas, Emmanuel Macron pourrait démissionner avant la fin de son second mandat et se présenter à sa succession, comme si son mandat actuel n’avait jamais eu lieu puisqu’il n’a pas atteint son terme de cinq ans. À l’inverse, et c’est l’interprétation la plus répandue, Emmanuel Macron ayant été élu deux fois consécutivement, il ne pourrait pas se représenter à l’élection présidentielle suivante.

Une limite qui ne concerne que les mandats consécutifs

Rien n’interdit en revanche à Emmanuel Macron de briguer un troisième mandat non consécutif : Emmanuel Macron ayant été élu puis réélu consécutivement, il ne pourrait pas y prétendre une fois de plus à la suite. Il pourrait cependant attendre l’élection présidentielle de 2032 pour prétendre de nouveau à la magistrature suprême, puisque la Constitution prévoit bien que sont interdits seulement plus de deux mandats “consécutifs”. C’est le schéma suivi par le président russe Vladimir Poutine, lorsque la Constitution russe limitait encore le nombre de mandats à deux consécutifs. Il laisse Dmitri Medvedev se porter candidat le temps d’une mandature avant de se représenter. Entre-temps, Vladimir Poutine devient le Premier ministre de Dmitri Medvedev.

Pour clarifier la question, la Constitution pourrait être précisée, à moins que le Conseil constitutionnel ne soit appelé à fournir son interprétation de la Constitution (c’est l’institution compétente selon l’article 58), si d’aventure Emmanuel Macron essayait de se représenter lors d’une élection anticipée provoquée par sa démission, et qu’un recours était formé contre cette candidature. Le Conseil d’État peut également rendre un avis si le gouvernement le sollicite sur cette question.

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