Sébastien Lecornu, secrétaire d’État auprès du ministre de la Transition écologique, a affirmé à propos de l’évacuation des opposants au projet Cigéo à Bure : « On a expulsé des délinquants, des gens affiliés à l’ultragauche et parfois des mouvements anarchiques »

Création : 28 février 2018
Dernière modification : 17 juin 2022

Auteurs : Emmanuel Daoud et Delphine Raynal

Source : Public Sénat, Territoires d’info, min. 10:28, 26 févr. 2018

Sébastien Lecornu a tort. En effet, la « réponse du retour de l’État de droit » doit se faire précisément dans le cadre de l’État de droit, en veillant au respect de la présomption d’innocence et en s’assurant que les restrictions à la liberté de manifestation pacifique sont légales, nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi dans une société démocratique.

En premier lieu, un « délinquant », du latin delinquere, est une personne qui a commis un délit, c’est-à-dire une infraction pénale. L’article 111-1 du code pénal dispose : « Les infractions pénales sont classées, suivant leur gravité, en crimes, délits et contraventions ». Les crimes et les délits sont ceux définis par la loi. Or, doit-on le rappeler, d’après l’article 9 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, « Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable », il n’est pas possible de qualifier une personne de « délinquante » avant qu’elle ne soit jugée. Et seul un tribunal pourra déclarer cette culpabilité. Comme le rappelle l’article préliminaire du code de procédure pénale, la présomption d’innocence s’applique à « toute personne suspectée ou poursuivie ». Elle vaut donc également pour les personnes placées en garde à vue.

En second lieu, Monsieur Lecornu affirme que les « opposants légaux » qui empruntent « les voies de droit » tels que des recours devant les tribunaux administratifs ou le Conseil d’État doivent être respectés. Or, il oublie que notre État de droit comprend également le droit à la liberté de réunion pacifique, prévu par les articles 21 du Pacte international des droits civils et politiques et 11 de la Convention européenne des droits de l’Homme. Par ailleurs, comme le rappelle la Cour européenne des droits de l’homme dans l’arrêt Barraco contre France, ce droit inclut la liberté de manifestation pacifique.

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