Pavel Durov, patron de Telegram, risque-t-il une peine de 20 ans de prison ?
Auteur : Clément François, journaliste
Relecteur : Etienne Merle, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Clara Robert-Motta, journaliste
Source : Post Instagram, 29 août 2024
Depuis l’arrestation de Pavel Durov samedi dernier, les rumeurs vont bon train sur les peines qu’il encourt. Pour l’heure, les chefs d’accusation qui le visent évoquent une peine maximale de dix ans.
Quelle peine risque le fondateur et patron de la messagerie cryptée Telegram ? Depuis son arrestation samedi lors de son atterrissage à l’aéroport du Bourget, les réactions publiques ont été nombreuses. Le chiffre de vingt ans a massivement circulé sur les réseaux sociaux, jusqu’à être repris par Elon Musk, patron de X (anciennement Twitter), stupéfait par la longueur de la potentielle peine encourue.
La Russie, son pays d’origine, n’a pas tardé à réagir au lendemain de son inculpation, appelant à ne pas transformer cette affaire en “persécution politique”. Pourtant, Moscou avait tenté, en 2018 et en 2020, de fermer la messagerie cryptée, unique espace de communication libre et sécurisé échappant au pouvoir russe. Recherché, Pavel Durov quittera la Russie à cette occasion, avant d’être naturalisé français par Emmanuel Macron en 2021.
Que lui est-il reproché ?
Le parquet de Paris n’a communiqué que le lundi 26 août au matin sur les chefs d’accusation le visant. Il est notamment accusé de “refus de communiquer, sur demandes des autorités habilitées, les informations ou documents nécessaires pour la réalisation et l’exploitation des interceptions autorisées par la loi”, c’est-à-dire d’un manque de coopération avec les autorités.
Sur les onze autres chefs d’accusation, il est accusé pour six d’entre eux de complicité pour des délits ayant eu lieu sur ou grâce à sa messagerie cryptée. On reproche à l’homme d’affaires un manque de modération des contenus sur la plateforme dont il est responsable légalement. Des faits très variés allant du “blanchiment de crimes ou délits en bande organisée” à “détention de l’image d’un mineur présentant un caractère pédopornographique”.
Pour son avocat David-Olivier Kaminski, qui s’est exprimé à la sortie du tribunal judiciaire, il est “totalement absurde de penser que le responsable d’un réseau social puisse être impliqué dans des faits criminels qui ne le regardent ni directement ni indirectement.«
Dix ans maximum plutôt que vingt…
Des chefs d’accusation importants donc, mais aucun ne lui faisant encourir vingt ans d’emprisonnement, comme l’avaient déjà dit nos confrères de CheckNews. Pour Jean-Baptiste Thierry, professeur de droit privé à l’université de Lorraine, ce chiffre est en effet inexact : “Vingt ans de prison, c’est la réclusion criminelle. Cela ne me semble pas relever des qualifications retenues.” En effet, aucun des chefs d’accusation évoqués pour l’instant par le Parquet de Paris ne ferait risquer à Pavel Durov plus de dix ans d’emprisonnement.
Or, il existe en droit français un principe de non-cumul des peines, inscrit à l’article 132-3 du Code pénal, qui dispose que “lorsque plusieurs peines de même nature sont encourues, il ne peut être prononcé qu’une seule peine de cette nature dans la limite du maximum légal le plus élevé.” Autrement dit, même si le fondateur de Telegram est reconnu coupable de l’ensemble des chefs d’accusation, dont plusieurs sont punis de dix ans d’emprisonnement, il ne pourra pas être condamné à plus de dix ans, peine maximale encourue pour des délits.
Pour dépasser cette limite, il faudrait, selon notre juriste, prouver la récidive sur certains de ces chefs d’accusation, ce qui n’a encore jamais été évoqué par le parquet, ou prouver une circonstance aggravante. C’est ce que prévoit l’article 132-79 du code pénal, permettant d’allonger une peine de dix à quinze ans dans le cas où “un moyen de cryptologie […] a été utilisé pour préparer ou commettre un crime ou un délit.”
Pour l’heure, Pavel Durov est mis en examen et soumis à un contrôle judiciaire. Il devra se présenter au commissariat deux fois par semaine, et a l’interdiction de quitter le territoire français en attendant son procès.
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