Les Surligneurs est un média indépendant qui lutte contre la désinformation juridique.

rubriques
Crédits photo : Pexels

Non, scroller sur votre téléphone dans le noir ne vous condamne pas à contracter un glaucome aigu

Création : 2 juin 2025

Autrice : Léocadie Petillot, juriste et journaliste en formation au CFJ

Relectrice : Clara Robert-Motta, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Jean-Baptiste Breen, étudiant en master de journalisme à Sciences Po Paris

Source : Compte Facebook, le 7 mai 2025

Une vidéo virale alerte sur les risques de contracter un « glaucome aigu » si vous scrollez dans le noir. En réalité, s’il n’est pas recommandé d’abuser du téléphone le soir, cette pathologie ne concerne qu’un petit nombre de personnes avec certaines prédispositions précises.

Le scénario est digne d’un film d’horreur pour un hypocondriaque. « La pièce était sombre et seule la lumière de l’écran éclairait son visage, il surfait sur les réseaux avant de s’endormir », alerte le narrateur d’une vidéo très relayée sur les réseaux sociaux qui met en garde contre les dangers de scroller sur son téléphone dans le noir. « A l’hôpital, le diagnostic fut posé rapidement : “glaucome aigu par fermeture de l’angle (…) avec des dommages au nerf optique (…) déjà irréversibles“ ».

Si le « glaucome aigu par fermeture de l’angle » est une pathologie qui existe bel et bien et qui peut être déclenchée par l’obscurité, elle touche en revanche uniquement des patients avec des prédispositions spécifiques.

Plus communément appelée « crise aiguë de fermeture de l’angle », la pathologie décrite dans la vidéo, « survient lorsqu’il y a un blocage complet du passage de l’humeur aqueuse [un liquide qui maintient la pression et la forme de l’œil, ndlr] entre la pupille [le rond noir au milieu de votre iris, ndlr] et le cristallin [la lentille située juste derrière l’iris et la pupille, ndlr] », explique Arnaud Touboul ophtalmologue au service Institut du glaucome à l’hôpital Saint-Joseph à Paris.

Schéma représentant la formation du glaucome – Crédits : Léocadie Petillot

 

« C’est une urgence ophtalmique rare qui touche des patients avec certaines prédispositions, essentiellement l’hypermétropie [la vision est trouble de près, ndlr] et l’âge [plus de 50 ans, ndlr] qui favorise le fait d’avoir un cristallin plus gros [et plus il est gros, plus il va pouvoir se coller à l’iris et potentiellement empêcher le passage de l’humeur aqueuse, ndlr] », souligne Nathalie Cassoux, chef du département d’oncologie chirurgicale et chef de service d’oncologie oculaire à l’Institut Curie.

L’obscurité, un déclencheur

Mais alors, scroller dans le noir peut-il provoquer cela, comme il est dit dans la vidéo ? D’après le récit de l’internaute, ce serait « le contraste brutal entre la lumière de l’écran et l’obscurité ambiante [qui] peut déclencher une crise soudaine ». Sauf que la logique n’est pas la bonne. « Ce n’est pas le contraste entre l’obscurité ambiante et la luminosité de l’écran qui provoque la crise, mais l’obscurité elle-même bien qu’elle ne soit absolument pas suffisante pour déclencher la crise sur un terrain prédisposé », corrige Arnaud Touboul.

Face à l’obscurité, la pupille se dilate, avide de lumière. Et c’est cette dilatation pupillaire chez le patient prédisposé qui va accentuer le contact entre l’iris et le cristallin (comme rappelé ici et ) et potentiellement déclencher une « crise aiguë de fermeture de l’angle ». Au contraire, l’exposition à un écran de téléphone, même dans le noir, suppose plutôt une fermeture de la pupille.

Scroller : problème de santé publique pour la myopie

Le narrateur de la vidéo assure que « cette histoire nous rappelle avec force que nos habitudes du quotidien peuvent cacher des dangers insoupçonnés », mais son propos ne colle pas.

Pour les personnes sans prédispositions, le seul danger de regarder son écran toute la nuit dans le noir est « d’avoir mal aux yeux », s’amuse Nathalie Cassioux. En revanche, chez les adolescents, de jour comme de nuit, « cela favorise la progression de la myopie, un réel problème de santé publique », rappelle Arnaud Touboul.