Non, LFI et le RN ne sont pas les seuls à interdire l’accès à des journalistes à leurs événements
Auteur : Etienne Merle, journaliste
Relectrice : Clara Robert-Motta, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : Etienne Merle, l’auteur, est membre actif de l’Ofalp.
Secrétariat de rédaction : Etienne Merle, journaliste
Source : Compte Facebook, le 22 août 2025
Certains internautes affirment que seuls le RN et désormais LFI refusent l’entrée de leurs meetings à certains médias. En réalité, ce type de restriction a déjà concerné d’autres partis politiques et même l’Élysée. Syndicats et associations de journalistes s’en inquiètent.
« Voici la preuve que les extrêmes se rejoignent… Jusqu’à présent, seul le RN interdisait aux journalistes de Quotidien l’entrée de leurs meetings… Voici que LFI interdit aux journalistes du Monde l’accès de son « Amfi 2025 » de Valence et en particulier à Olivier Pérou, co-auteur de La Meute. » C’est par ce message, partagé sur les réseaux sociaux, qu’un internaute a dénoncé un traitement d’exception réservé aux médias par seulement deux partis : le Rassemblement national et La France insoumise.
Le 21 août 2025, le parti fondé par Jean-Luc Mélenchon a refusé d’accréditer Olivier Pérou, journaliste au Monde et coauteur du livre La Meute (Flammarion, 2025) qui porte sur le fonctionnement interne du mouvement, pour ses universités d’été organisé du 21 au 24 août dans la Drôme. Le quotidien, qui a révélé l’information jeudi 21 août, dénonce une « entrave à la liberté de la presse ».
« Les principes déontologiques » du journalisme ont été « largement bafoués dans l’ouvrage que M. Pérou a consacré à la France insoumise », a rétorqué le parti de gauche auprès de l’AFP, qui affirme, en revanche, que Le Monde peut toujours envoyer ses journalistes couvrir leurs événements.
La France insoumise rejoindrait-elle, aux côtés du Rassemblement national, le cercle restreint des partis politiques qui se permettent de « choisir » leurs journalistes ? Si cette décision reste exceptionnelle pour le mouvement de Jean-Luc Mélenchon, elle l’est beaucoup moins à l’échelle de la classe politique française, au grand dam des associations de défense de la liberté de la presse.
Des interdictions dans de nombreux partis
La liste des journalistes écartés par des partis politiques dépasse largement les mouvements de Marine Le Pen ou de Jean-Luc Mélenchon. Le média Reporterre s’est ainsi vu refuser l’entrée d’un meeting d’Emmanuel Macron en 2017. De son côté, Debout la France, le parti de Nicolas Dupont-Aignan avait empêché les caméras de l’émission Quotidien de couvrir l’un de ses rassemblements en 2018.
À l’Élysée, en 2019, la chaîne RT France — alors encore autorisée de diffusion en France — a fait l’objet de refus répétés d’accréditations, tandis que d’autres médias locaux ont été tenus à l’écart de certains déplacements officiels, comme en Gironde en 2022.
Plusieurs articles de presse ont documenté une volonté de la présidence Macron et de son gouvernement de « choisir » les journalistes autorisés à suivre le chef de l’État, dès son arrivée à l’Élysée. Certains reporters se sont vu refuser l’accès à des événements comme le sommet mondial sur l’intelligence artificielle en février 2025 ou encore lors de conférences de presse.
La convention de la droite, organisée en 2019 et rassemblant de nombreuses personnalités politiques comme Marion Maréchal Le Pen ou Eric Zemmour, a également créé des tensions avec les journalistes. L’Express, Libération, l’Opinion et Quotidien se sont ainsi vus refuser toute accréditation.
Inquiétudes dans la profession
S’agissant du Rassemblement national, les exemples abondent. Une journaliste de Mediapart a ainsi été déclarée persona non grata par le parti. À La Voix du Nord, les reporters qui couvrent Hénin-Beaumont, fief de Marine Le Pen, ont longuement documenté des relations pour le moins houleuses avec les élus et les militants. Certains journalistes ont même été pris à partie, parfois agressés physiquement lors de rassemblements ou de meetings du RN.
Pour le cas LFI, si le refus d’accréditer un journaliste est rare, Jean-Luc Mélenchon n’a jamais caché son aversion pour les médias et les journalistes. Parmi de nombreux exemples, le tribun avait estimé sur son blog que « la haine des médias et de ceux qui les animent est juste et saine », à la suite d’une enquête de Radio France sur les comptes de campagne de son parti.
Ces événements inquiètent les représentants de la profession. Reporter Sans Frontières a rétrogradé la France de la 21e à la 24e place de son classement mondial, entre 2024 et 2025.
« Même si on en a l’intuition, sans statistiques précises, on ne peut pas être sûrs que les atteintes à la presse augmentent. C’est justement pour cela que nous préparons le premier rapport recensant l’ensemble de ces atteintes en France », détaille Lucile Berland, journaliste-réalisatrice et cofondatrice de l’Observatoire français des atteintes à la presse (OFALP).
« Quand des partis politiques ou des entreprises se permettent aujourd’hui des pratiques visant les journalistes alors qu’elles ne s’y seraient pas risquées auparavant, c’est forcément un signal inquiétant, pour la liberté de la presse bien sûr, mais aussi pour notre démocratie donc tous les citoyens. », abonde-t-elle.
Autrement dit, LFI et le RN ne sont pas les seuls à pratiquer ce type de restrictions : elles s’inscrivent dans une tendance plus large où divers acteurs semblent regarder la presse avec un œil de plus en plus suspicieux, voire hostile.