Marine Le Pen reproche à l’Union européenne « l’ouverture totale des frontières à toutes les mafias, tous les criminels, tous les terroristes ».
Dernière modification : 17 juin 2022
Auteur : Vincent Couronne
Source : RTL, 7 mars 2019
Marine Le Pen a tort de dire que l’Union ouvre ses frontières aux mafias, criminels et terroristes. Le droit permet des protections à un point tel que certains parlent d’ « Europe forteresse ».
Décidément, le Rassemblement national (ex-FN) a du mal avec les frontières en Europe. Déjà pendant la campagne présidentielle nous avions dû lui rappeler qu’elles n’avaient pas disparu. Il y a quelques jours nous devions « surligner » Jordan Bardella, tête de liste RN pour les européennes, qui accusait l’espace Schengen de permettre une « libre circulation des terroristes ».
Nous n’aurions donc plus de frontières et cela aurait motivé, d’après Marine Le Pen, les britanniques à choisir la voie du Brexit. Pourtant, non seulement l’Union a ses propres frontières extérieures, mais les États membres conservent aussi les leurs.
L’Union européenne, d’abord, a sa propre frontière extérieure. Cette frontière-là permet de percevoir les droits de douanes sur les marchandises importées dans l’Union, quel que soit le point d’entrée. Elle permet aussi d’appliquer en son sein des sanctions financières par le gel des avoirs de personnes liées à des activités criminelles, comme ce fut le cas pour un ancien député et chanteur russe pour son implication dans la guerre dans le Donbass, dans l’est de l’Ukraine.
La frontière est aussi physique, ce qui inclut les frontières terrestres mais aussi les aéroports et ports, tous les points d’entrée de personnes et marchandises non ressortissantes de l’Union européenne. Elle est matérialisée essentiellement par l’espace Schengen, un espace constitué des seuls États membres capables de protéger efficacement leur frontière, en particulier lorsqu’il s’agit d’une frontière extérieure de l’Union. La Roumanie et la Bulgarie, qui ont une frontière avec l’Ukraine ou encore la Serbie, non membres de l’Union, n’ont à ce titre toujours pas été autorisées à rejoindre l’espace Schengen, car elles ne sont pas en mesure de préserver suffisamment la frontière extérieure de l’Union.
La frontière extérieure créée par cet espace Schengen entraine un contrôle de l’identité des personnes qui la franchissent. L’identité de ces personnes est alors comparée au gigantesque Système d’information Schengen, un fichier partagé par l’ensemble des États membres et contenant les informations suivantes : personnes recherchées ou disparues, personnes sous surveillance policière et personnes non ressortissantes d’un État membre de l’espace Schengen auxquelles l’entrée sur le territoire Schengen est interdite – par exemple des personnes liées à des activités terroriste –, informations sur des véhicules et objets volés ou disparus, comme des documents d’identité, des certificats d’immatriculation de véhicules et des plaques d’immatriculation de véhicules.
Il contient plus de 76 millions de signalements, et a été consulté plus de 4 milliards de fois en 2016. Il est tellement utile aux États membres que le Royaume-Uni – qui ne fait pas partie de l’espace Schengen – souhaite avoir toujours accès à cette gigantesque base de données après le Brexit. En d’autres termes, la libre circulation a donné naissance à des règles européennes en matière de contrôle des personnes que les États membres considèrent comme essentielles pour leur sécurité.
Les frontières entre les États membres n’ont, elles-non plus, pas disparu. Les règles de l’espace Schengen permettent de rétablir temporairement les contrôles aux frontières (ce qui fut fait lors de l’augmentation du nombre migrants en 2016), ou en cas de « menace grave pour l’ordre public » (ce qui fut fait après les attentats terroristes du 13 novembre 2015, et qui est toujours en vigueur à ce jour). En dehors des règles de Schengen, il est également loisible à la France de limiter la circulation des personnes sur son territoire, en invoquant des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique. Par exemple, la Belgique avait déclaré un ressortissant afghan indésirable sur son territoire, l’intéressé étant fortement soupçonné de crime contre l’humanité.
Enfin, faut-il rappeler que le Royaume-Uni n’étant ni dans l’espace Schengen, ni ne participant à la politique européenne en matière d’asile et d’immigration, est bien en dehors d’un certain nombre de frontières européennes ? Sur ce point, on peut relire cet article que nous avions commis après une accusation de Donald Trump, qui disait à tort comprendre les pro-Brexit, car l’Union aurait imposé au Royaume-Uni d’accueillir des réfugiés.
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