Louis Aliot (RN) : « On nous demande de voter, en tant que députés, la ratification de ce fameux traité [CETA], qui est déjà en application depuis septembre 2017 »

Création : 21 juillet 2019
Dernière modification : 20 juin 2022

Auteur : Tom Le Merlus, sous la direction de Tania Racho

Source : France Inter, invité de 7h50

M. Aliot commet une erreur en affirmant que le CETA est déjà en application depuis deux ans. L’entrée en vigueur du CETA n’est que provisoire et ne concerne que les droits de douane, pas la protection des investissements ni les procédures de règlement des différends entre entreprises et États. Les parlements nationaux et régionaux ont bien le dernier mot sur l’application définitive de l’accord, sans le vote desquels il ne pourra perdurer !

Louis Aliot, député du Rassemblement National (RN) à l’Assemblée nationale, a déclaré mercredi matin sur France Inter, à propos du traité CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement ou en français « Accord économique et commercial global ») : « On nous demande de voter, en tant que députés, la ratification de ce fameux traité, qui est déjà en application depuis septembre 2017… C’est quand même assez curieux qu’on demande aux députés de voter pour un texte qui est appliqué depuis déjà deux ans ». Toutefois, même si le CETA est effectivement entré en vigueur le 21 septembre 2017, l’accord n’est appliqué que de manière provisoire et partielle.

Signé à Bruxelles le 30 octobre 2016, le CETA est d’abord un accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada qui réduit très largement les barrières tarifaires et non tarifaires aux échanges commerciaux et qui s’étend aussi à l’exportation des biens et des services, ainsi qu’aux investissements des entreprises européennes et canadiennes. Autrement dit, le traité va notamment permettre de faciliter les importations de marchandises et de services entre le Canada et l’Union européenne en réduisant les droits de douanes et en augmentant les quotas d’importation. Car c’est l’Union européenne qui est seule compétente sur les droits de douane, les États ne le sont plus depuis les années 1950.

Mais le CETA est ensuite un accord international « mixte », engageant aussi les États membres pour leurs propres compétences, c’est-à-dire celles qu’ils n’ont pas déléguées à l’Union (par exemple sur le règlement des litiges liés au CETA, la protection des investissements). Pour cet aspect, il faut les signatures et la ratification de chaque États membre selon ses propres règles constitutionnelles. En France, l’article 53 de la Constitution prévoit que le Parlement doit voter une loi afin de ratifier un traité.

Actuellement, seule la partie du CETA qui dépend de la compétence exclusive de l’Union européenne (les droits de douanes) est entrée en vigueur provisoirement, ce qui représente tout de même 90% de l’accord. C’est pourquoi les flux commerciaux ont pu commencer. Mais l’application totale et définitive de l’accord est, quant à elle, subordonnée à sa ratification par les 38 parlements nationaux et régionaux des 28 États membres. C’est seulement à cette condition que les dix pour cent restant de l’accord s’appliqueront : ils n’en sont pas moins importants, car ils concernent la protection des investissements étrangers et surtout le mécanisme controversé, instaurant une juridiction internationale spécifique chargée de régler les litiges entre les États partie à l’accord et les investisseurs. C’est la Cour de justice de l’Union européenne, qui avait dit en 2017 que l’Union européenne n’avait pas le droit d’agir seule en matière de règlement des différends entre les multinationales et les États et en matière d’investissements étrangers.

C’est pour cette raison que, contrairement à ce que dit M. Alliot, l’entrée en vigueur du CETA n’est encore que partielle et provisoire. Le refus d’un seul État de ratifier ferait cesser l’application du CETA définitivement et totalement. Pour l’instant, seuls treize États membres ont ratifié le CETA, les autres doivent encore se prononcer, c’est notamment le cas de la France où les députés de l’Assemblée nationale ont reporté le vote au mardi 23 juillet 2017.

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