L’église Sainte-Thérèse à Poitiers n’a pas été détruite par des migrants afghans
Autrice : Fanny Velay, journaliste stagiaire
Relectrice : Clara Robert-Motta, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Hugo Guguen, juriste
Source : Compte X, le 9 mars 2025
Des internautes accusent un « groupe d’immigrés afghans » d’avoir détruit une église à Poitiers. Cette affirmation ne repose sur aucune preuve et la police réfute cette thèse.
« L’église Sainte-Thérèse a été détruite, les assaillants seraient un groupe d’immigrés afghans », écrit un compte X anglophone de plus de 600 000 abonnés dans une publication datée du 9 mars 2025. Le post cumule plus de 65 millions de vues au moment de la publication de cet article. De quoi rendre virale cette fausse information, qui s’est propagée comme une trainée de poudre sur la toile.
Pour illustrer son propos, le compte X partage deux photos d’une église embrumée, visiblement saccagée, avec des chaises et des bancs à terre, ainsi que la photo d’une statue de la Vierge Marie décapitée. Si les photos sont authentiques, la légende attribuant les dégradations à des « migrants afghans » ne repose sur aucune preuve.
Un bûcher de chaises
D’après nos recherches, ces photos apparaissent pour la première fois dans un article de La Nouvelle République du 14 mai 2024 intitulé « Vienne : un incendie allumé dans une église de Poitiers et une statue de la Vierge dégradée ». Ce jour-là, les paroissiens découvrent des dégradations, rapporte le quotidien local.
Au moments des faits, Hubert-Marie Taute, diacre du diocèse de Poitiers et membre de l’équipe pastorale de la paroisse de l’église Sainte-Thérèse, participe à une réunion à côté de l’église avec un autre diacre et deux prêtres au moment de l’incendie. Il est l’une des premières personnes à se rendre sur les lieux.
« Le père Albert [le prêtre coopérateur de la paroisse de l’église, ndlr] et la personne qui venait pour le contrôle incendie ont senti la fumée dans la sacristie. Il y avait un bûcher devant l’autel. Trois bancs assez lourds étaient mis debout, une dizaine de chaises ainsi que le pupitre d’animateur étaient en feu, ce qui a rempli l’église de fumée », détaille le diacre aux Surligneurs.
Les pompiers arrivent rapidement sur les lieux, mais le feu s’est déjà éteint, rapporte Hubert-Marie Taute. « Peut-être par manque d’oxygène », ajoute-t-il.
L’enquête est toujours en cours
D’après le diacre, l’église porte plainte le jour même. En revanche, aucune référence à des « migrants afghans » n’est formulée, ni au moment de l’incendie ni maintenant. « Cette rumeur me surprend, confie Hubert-Marie Taute. […] Depuis [le dépôt de plainte], on n’a eu aucune information. On suppose que la police continue de faire son travail. »
La police nationale de la Vienne confirme aux Surligneurs qu’elle continue son enquête. Et jusqu’à présent, « rien ne permet de dire que des Afghans sont à l’origine d’incendies d’églises ici, affirment les fonctionnaires. Si nous avions eu une piste, nous aurions déjà interpellé l’auteur. »
Ce n’est pas la première fois que l’église Sainte-Thérèse est visée. En janvier 2022, l’église néogothique subit des dégradations similaires : la statue de la Vierge est décapitée et des santons de la crèche de Noël sont brisés. Comme en mai dernier, la police est informée et fait le déplacement pour constater les dégâts.
Trois églises ont été la cible de vandalisme dans la région de Poitiers à la fin 2024. En conséquence, la mairie de Poitiers a lancé une étude pour renforcer la sécurité des édifices religieux, comme le rapportent nos confrères d’Ici Poitou.
Le diacre du diocèse de Poitiers indique aux Surligneurs qu’il compte installer un système de vidéosurveillance afin de rouvrir l’église Sainte-Thérèse dans un climat de sérénité. En attendant, elle reste fermée, et n’ouvre que pour la pratique du culte.
Un faux compte X du Mossad
Si l’implication de « migrants afghans » ne repose sur rien, le compte X à l’origine de cette infox, Mossad Commentary, n’en est pas à son coup d’essai dans la diffusion de fausses informations. Il s’agit d’un faux compte qui se fait passer pour le compte officiel du Mossad, l’un des services de renseignement israélien.
Depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas, ce compte contribue à la désinformation autour du conflit. Il fait notamment partie de ceux qui ont créé de toutes pièces la fausse information de la mise à mort d’un enfant dans un four, lors de l’attaque menée par le Hamas le 7 octobre 2023, rapporte le journal Libération.