#LegalCheck. Jordan Bardella souhaite sortir du marché européen de l’électricité
Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public
Relecteur : Vincent Couronne, docteur en droit public, Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Source : France 2, 11 juin 2024
Le marché européen de l’énergie est régi par la législation européenne, qui ne prévoit pas qu’on puisse en sortir, sauf à s’exposer à de lourdes amendes. Deux solutions : négocier avec les autres États membres, ou sortir de l’UE.
Jordan Bardella, président du Rassemblement national, dévoile le programme de son parti pour les élections législatives des 30 juin et 7 juillet. Parmi ses propositions, sortir la France du marché européen de l’électricité. Une proposition pas si neuve car elle figurait déjà dans le programme présidentiel de Marine Le Pen en 2022 (que nous avions surlignée). La mesure se heurte à de nombreux obstacles juridiques.
Le marché européen de l’énergie s’impose à tous les États membres
Le marché intérieur de l’énergie de l’Union est fondé sur le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (articles 114 et 194) adopté en 2007. Plus récemment, le règlement sur le marché intérieur de l’électricité, adopté en 2019 par le Parlement européen et le Conseil – qui réunit les États membres – en a modifié les règles. Le but affiché est de garantir son bon fonctionnement et sa compétitivité, mais aussi de soutenir la décarbonation du secteur énergétique de l’Union européenne, en supprimant les obstacles aux échanges transfrontaliers d’électricité et en permettant la transition vers une énergie propre. Le tout en honorant les engagements pris lors de l’Accord de Paris sur le Climat. Or, aucun de ces textes européens ne permet à un État membre de se retirer du marché européen de l’énergie.
Sauf si…
Deux voies légales existent pour faire échapper l’électricité à ce marché : d’abord convaincre le Parlement européen et une majorité suffisante d’États de réformer le système existant. Cela nécessiterait un nombre suffisant d’alliés au sein de l’Union européenne pour soutenir la réforme et la faire voter. C’est ce qu’ont fait l’Espagne et le Portugal.
Autre possibilité ensuite, le retrait français de l’Union européenne, projet qui ne figure pas dans le programme du RN.
Une troisième voie existe : la désobéissance. Mais elle n’est pas légale.
Enfreindre le droit européen, avec à coup sûr des sanctions financières
La France pourrait décider d’enfreindre en toute connaissance de cause le droit européen. La Commission européenne réagirait certainement en lançant des procédures d’infraction. La Cour de justice de l’Union européenne pourrait alors intervenir avec pour conséquence ultime des sanctions financières pouvant aller jusqu’à plusieurs dizaines de millions d’euros. Et si le gouvernement refuse de payer, la Commission pourra déduire cette amende des subventions qu’elle verse chaque année à la France.
Mieux vaut donc négocier une dérogation sur le modèle espagnol, même si la désobéissance – le droit n’est pas incompatible avec le réalisme – peut aider dans cette négociation.
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