Crédits photo : Cancillería del Ecuador (CC 2.0)

Jean-Luc Mélenchon veut immédiatement bloquer les prix de première nécessité (gaz, électricité, alimentation)

Création : 17 septembre 2021
Dernière modification : 24 juin 2022

Auteur : Thomas Destailleur, chercheur associé à l’Université Rennes 1, Laboratoire IODE

Source : Libération, le 12 septembre 2021

En France comme dans l’UE, les prix sont en principe libres. Tout blocage des prix est contraire aux textes, sauf exceptions. Le blocage des prix du gel hydroalcoolique était légal en raison de la pénurie et de la spéculation sur ce produit. Pour l’alimentaire, ces circonstances n’existent pas.

Pour justifier sa demande, Jean-Luc Mélenchon opère une comparaison avec la situation des gels hydroalcooliques et les masques dont les prix avaient en effet été plafonnés pendant la crise sanitaire. Or, il s’agit de deux situations différentes. 

LE PRINCIPE : LES PRIX SONT LIBREMENT FIXÉS PAR LES ENTREPRISES

Le droit de l’Union européenne garantit aux biens et aux services de circuler librement au sein de l’Union européenne. Conséquence, la détermination du prix doit résulter de la rencontre de l’offre et de la demande et ne peut pas en principe être déterminée par l’État. Pour le gaz, les règles européennes garantissent aux clients le droit de choisir librement leurs fournisseurs. Et les fournisseurs ont également le droit de fournir librement leurs produits (point 26 de l’arrêt Anode). En clair, l’État n’a plus à s’immiscer dans la fixation du prix du gaz. C’est d’ailleurs pourquoi les tarifs réglementés du gaz prendront fin dès le 30 juin 2023. Quant aux  tarifs de l’électricité, l’article 5 § 1 de la directive 2019/944 prévoit que “les fournisseurs sont libres de déterminer le prix auquel ils fournissent l’électricité aux clients”. Seule dérogation, l’article 3 § 3 prévoit que les États peuvent continuer à appliquer des tarifs réglementés “aux clients résidentiels ou en situation de précarité”. Cela ne doit cependant concerner que des personnes dans le besoin.

Concernant enfin les produits alimentaires, le même principe de libre détermination des prix prévaut. Un blocage des prix peut aboutir à fausser la concurrence entre entreprises. Donc, si un État membre veut bloquer les prix, il doit limiter aux maximum les effets de ce blocage sur la concurrence et pouvoir justifier son intervention par des circonstances bien particulières, comme la protection de la santé (CJUE, 23 déc. 2015, affaire Scotch Whisky association). En outre, l’alimentaire est une catégorie très large et l’on imagine difficilement un blocage des prix pour de l’alcool ou des bonbons qui n’ont rien d’essentiel. Il faudrait donc établir une liste de produits alimentaires essentiels (fruits, légumes, viandes, œufs, par exemple).

MAIS ALORS POURQUOI LA FRANCE A-T-ELLE PU BLOQUER LES PRIX DES MASQUES ET DES GELS HYDROALCOOLIQUES ?

L’article L. 410-2 du code de commerce permet au gouvernement de bloquer les prix en cas de crise et de circonstances exceptionnelles. Plusieurs textes européens permettent également à un État membre d’intervenir sur le marché pour plafonner un prix dans des situations d’urgence, à l’image de la directive 2006/123/CE. Pour les gels hydroalcooliques, les prix ont été plafonnés par un décret du 23 mars 2020. C’est la pénurie de gel, conjuguée à l’envolée des prix, qui a permis de fixer un prix maximal. Cette mesure est exceptionnelle et se justifie par l’objectif de santé publique recherché. Elle doit par ailleurs être limitée dans le temps. Transposer cela à l’alimentaire supposerait de démontrer que des difficultés d’approvisionnement de ces produits créent une inflation telle que cela empêcherait une partie de la population de se nourrir en l’absence d’intervention de l’État.

L’ÉTAT PEUT INTERVENIR AUTREMENT

Une solution est de privilégier les aides directes auprès des consommateurs plutôt que plafonner les prix. Pour le gaz et l’électricité, l’État apporte une aide financière sous la forme d’un chèque « énergie » aux personnes qui sont le plus dans le besoin (entre 48 euros et 277 euros par an et par foyer éligible). Il existe également des dispositifs similaires pour l’eau et pour le téléphone. Puisque le blocage pose des problèmes juridiques, la mise en place de mécanismes de solidarité à destination des ménages semble moins risquée. 

Contacté, Jean-Luc Mélenchon n’a pas répondu à nos sollicitations.

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