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Anne Hidalgo réclame, en prévision des conséquences de la guerre d’Ukraine, un blocage des prix du gaz et de l’électricité

Création : 25 février 2022
Dernière modification : 30 septembre 2022

Auteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay

Source : Communiqué de Presse, Hidalgo!2022, 24 février 2022

Nous ne surlignons jamais les demandes ou promesses fondées. Mais il y a une semaine, nous écrivions que le blocage des prix du gaz et de l’électricité serait contraire à la loi actuelle. Par la force des faits (invasion de l’Ukraine et ses conséquences sur les prix), les exceptions prévues par la même loi peuvent désormais s’appliquer.

Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay, le 25 février 2022

La candidate du PS à l’élection présidentielle, dans son message condamnant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, anticipe une hausse en effet très prévisible des matières premières, et en conséquence de l’électricité et du gaz. C’est ce qui la conduit à réclamer le blocage de leur prix.

Nous avons pu écrire plusieurs fois et notamment à propos des promesses de Jean-Luc Mélenchon, qu’il serait très difficile de justifier, en l’état actuel de la législation, un blocage des prix, notamment du gaz et de l’électricité. Le Code du commerce prévoit en effet que “les prix des biens, produits et services (…) sont librement déterminés par le jeu de la concurrence”. Mais c’est sauf exception. Parmi ces exceptions, au moins une semble applicable désormais, compte tenu de l’évolution de la situation politique et militaire à l’est de l’Europe : le gouvernement peut prendre “des mesures temporaires motivées par une situation de crise, des circonstances exceptionnelles, une calamité publique ou une situation manifestement anormale du marché dans un secteur déterminé”, “contre des hausses ou des baisses excessives de prix”.

Les circonstances font qu’un texte inapplicable il y a une semaine le redevient

La situation créée par l’invasion russe peut assurément être qualifiée de “situation de crise”, ou “circonstance exceptionnelle”. Il s’agirait de bloquer les prix dans un “secteur déterminé” au sens du Code de commerce, ce qui est bien le cas du gaz et de l’électricité (au contraire des “produits de première nécessité”, notion trop vague). Cette réglementation des prix ne serait valable que pour six mois, selon le même article, mais elle peut être renouvelée.

De plus, il existe des précédents : ce dispositif légal a déjà été appliqué plusieurs fois, et précisément dans le cas de la forte hausse des prix du carburant liée à la première guerre du Golfe en 1990.

Il nous importe de préciser que cela ne remet pas en cause nos analyses précédentes. Les circonstances ont changé, et la loi, précisément, est fondée sur des circonstances.

Attention toutefois aux conséquences 

Le blocage n’est pas une solution miracle : pour s’en tenir aux aspects juridiques, si ce blocage s’installe dans la durée et fragilise les entreprises concernées au point qu’elles en fassent faillite ou presque, elles pourront probablement faire jouer une jurisprudence concernant ce qu’on appelle la “responsabilité sans faute de l’État” : elles auront souffert plus que d’autres d’une crise qui les dépasse, et seront fondées à demander une indemnisation de la part de l’État.

C’est le fruit d’une très ancienne jurisprudence du Conseil d’État de 1938, qui crée ainsi un mécanisme de solidarité à l’égard des personnes et entreprises touchées par certaines crises sur lesquelles elles n’ont aucune prise, crise qui les frappe bien plus durement que les autres personnes et entreprises. On parle alors de préjudice “anormal” au sens de gravité et d’absence de lien avec leur activité, et “spécial” au sens où ces victimes sont très peu nombreuses et donc d’autant plus injustement frappées. Cela ne remet pas en cause la légalité d’un éventuel blocage, à condition qu’il ne pénalise exclusivement pas les entreprises des autres États membres de l’Union européenne.

Contactée, Anne Hidalgo n’a pas répondu à nos sollicitations.

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