Le maire de Royaumeix, près de Toul, veut créer une police formée d’habitants pour lutter contre les incivilités
Dernière modification : 27 juin 2022
Auteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit, Université Paris-Saclay
Source : L’Est Républicain, 24 novembre 2021
Ce projet ressemble juridiquement en tous points à la milice que voulait créer le maire de Béziers pour lutter contre les incivilités urbaines, quand bien même les intentions ne seraient pas les mêmes. C’est interdit.
C’est pour, selon ses dires, soulager les forces de l’ordre de certaines missions et appuyer les élus chargés de la sécurité publique, que Tony Chenot, maire de Royaumeix en Meurthe-et-Moselle, propose la création d’une police composée de citoyens bénévoles qui seraient “assermentés” pour lutter contre les incivilités (notamment les dépôts sauvages de déchets).
Il est vrai que Royaumeix présente un territoire très vaste, dont plus des deux tiers sont forestiers, avec un centre totalement “décentré”, le tout pour moins de 400 habitants, donc peu de moyens. Dans ces conditions, la lutte contre les incivilités repose essentiellement sur la gendarmerie (débordée), les agents de l’Office de la biodiversité (pas assez nombreux), et les élus locaux chargés de la sécurité, qui ont rang d’officiers de police judiciaire. Il n’est de plus pas possible de recruter un garde-champêtre au regard du coût que cela représente pour une seule commune (mais pourquoi pas à l’échelle intercommunale ?).
Peut-on créer une milice ?
Pour autant, est-il possible, comme le propose le maire, de « composer une liste de citoyens « volontaires », afin que ceux-ci puissent accompagner (les élus) dans leurs tâches de protection du domaine rural » ? Il s’agirait de confier aux chasseurs, randonneurs, et autres promeneurs, la mission de « prendre des photos d’une personne prise en flagrant délit de dépôt de déchets dans les bois, et donner son nom ou sa plaque d’immatriculation aux autorités », afin ensuite que les gendarmes ou le parquet s’en saisissent.
Or, même s’il se défend de vouloir créer une milice (ce qui est interdit), le maire marche sur des œufs. Son homologue de Béziers, Robert Ménard, s’est déjà heurté au juge en 2016 , à propos de ce qu’on avait appelé la « garde biterroise » : il entendait créer des gardes statiques devant les bâtiments publics et aussi des groupes de citoyens qui déambuleraient sur la voie publique et qui alerteraient les forces de l’ordre en cas de troubles à l’ordre public ou de comportements délictueux. Alors même que le maire de Béziers limitait cette initiative à une « action vigilante », le juge administratif a annulé cette décision de façon très nette : le conseil municipal « ne tient d’aucune disposition législative ou réglementaire la compétence pour créer, de sa propre initiative et pour une durée non déterminée, un service opérationnel en vue de confier à des particuliers, nommés ou désignés par le maire en qualité de collaborateurs occasionnels du service public, des missions de surveillance de la voie publique ou des bâtiments publics », ces fonctions ne relevant que des forces de l’ordre en vertu de la loi.
Un maire ne peut pas assermenter
À supposer même que le maire veuille assermenter les personnes en question, il n’a pas ce pouvoir. L’assermentation, qui permet à une personne de constater des infractions et parfois de les sanctionner, n’est accordée que par le préfet, au terme d’une procédure régie par le Code de procédure pénale, qui prévoit des conditions de formation et d’aptitude. C’est le cas par exemple des agents de surveillance de Paris, ou des gardes particuliers de chasse.
Il est vrai que, selon la loi, toute personne, « dans les cas de crime flagrant ou de délit flagrant puni d’une peine d’emprisonnement, (…) a qualité pour en appréhender l’auteur et le conduire devant l’officier de police judiciaire le plus proche ». Mais d’abord cela ne concerne pas les infractions punies d’une simple amende, et de là à assermenter le cueilleur de champignons…
Contacté, Tony Chenot n’a pas répondu à nos sollicitations.
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