Le député (LR) Mansour Kamardine exige qu’on mette fin à l’accès “automatique” à la nationalité, l’asile et regroupement familial à Mayotte

Création : 31 octobre 2020
Dernière modification : 21 juin 2022

Autrice : Servilienne Murenzi, étudiante en master droit européen à l’Université de Paris-Est Créteil, sous la direction de Tania Racho, docteure en droit public de l’Université Paris II Panthéon-Assas

Source : LCP, le 27 octobre 2020

Un député, qui plus est de Mayotte, est censé le savoir : rien dans la loi ne permet un accès automatique à la nationalité, au regroupement familial ou au statut de réfugié. Il suffit de lire le code civil pour la nationalité, et le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile s’agissant du regroupement familial et de l’asile, pour constater qu’il y a des conditions à respecter, et qu’aucune procédure automatique n’est prévue. Encore moins à Mayotte, où sont en vigueur des règles plus strictes.

Mardi 27 octobre 2020, à l’occasion des questions au gouvernement, le député Les Républicains Mansour Kamardine est revenu sur la situation sécuritaire à Mayotte, exigeant “la mise  en place d’un régime juridique mettant fin à l’accès à la nationalité automatique, au regroupement familial automatique, au droit d’asile automatique” sur l’île. S’il est vrai que Mayotte subit une très forte pression migratoire, ce n’est certainement pas en raison d’attributions automatiques de l’asile, de la nationalité ou du regroupement familial, qui n’existent pas, ni à Mayotte, ni en France métropolitaine.

Il ne suffit pas de demander la nationalité, l’asile ou le regroupement familial pour l’obtenir, contrairement à ce que laisse supposer M. Kamardine.

Concernant tout d’abord l’acquisition de la nationalité française, il y a 4 possibilités : la filiation (il faut qu’au moins un des parents soit français), la situation matrimoniale, le droit du sol et la naturalisation.  En cas de mariage, contrairement à une idée reçue, l’étranger ou l’étrangère marié avec un Français ou une Française n’obtient pas directement la nationalité, mais peut, après quatre ans à compter du mariage la demander sous certaines conditions, comme par exemple le fait de vivre ensemble.

En ce qui concerne l’acquisition de la nationalité par la naissance sur le territoire français, le “droit du sol”, ne permet pas non plus d’accès automatique à la nationalité. Une personne peut demander la nationalité à sa majorité si elle a eu sa résidence habituelle pendant au moins 5 ans en France depuis l’âge de 11 ans.

La naturalisation, qui est la demande de nationalité française par un étranger, ne peut être faite si ce dernier n’a pas sa résidence habituelle en France, depuis au moins cinq ans, a fait l’objet de condamnations ou ne justifie pas de connaissances suffisantes de “la langue, de l’histoire, de la culture et de la société française”.

De plus, à Mayotte, des restrictions spécifiques d’accès à la nationalité sont prévues. Par exemple, pour le droit du sol, l’enfant né à Mayotte ne pourra obtenir la nationalité que si l’un de ses parents a été présent de manière régulière sur le territoire national depuis plus de trois mois, exigence qui n’existe pas en métropole.

Ensuite, M. Kamardine affirme que le regroupement familial, autrement dit la possibilité pour un étranger qui séjourne régulièrement en France de faire venir son conjoint et ses enfant, se fait de manière automatique. C’est encore faux car le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoit des conditions afin de pouvoir en bénéficier. Sans toutes les mentionner, car elles sont nombreuses, l’étranger demandeur doit par exemple, avoir séjourné régulièrement en France pendant un certain temps. Il doit également disposer, depuis au moins 18 mois, d’un titre de séjour d’une validité d’au moins un an. Il faut aussi qu’il s’intègre, ce qui signifie qu’il doit respecter des principes fondamentaux tels que l’égalité hommes/femmes, la liberté du mariage ou encore l’intégrité physique des enfants.

Là encore, Mayotte connaît une particularité dans un sens restrictif : les différents titres de séjour qui sont accordés ne sont valables que sur le territoire mahorais. Il faut faire une demande spécifique pour voyager vers les autres territoires français. De plus, les titres de long séjour (nécessaires pour une demande de regroupement familial) ne sont délivrés qu’exceptionnellement.

Enfin, l’asile n’est pas accordé de plein droit non plus. Pour l’obtenir en France, il faut nécessairement satisfaire à la définition du réfugié donnée par la Convention de Genève du 28 juillet 1951, ce qui signifie ne pas pouvoir retourner dans son pays d’origine de peur d’y être persécuté. Les conditions ne s’arrêtent pas là puisque pour prétendre à l’asile il faut impérativement que la raison des persécutions figure sur la liste donnée par la Convention à savoir : la race, la religion, la nationalité, l’appartenance à un groupe social ou l’opinion politique, sans quoi la demande sera rejetée, qu’elle soit faite depuis Mayotte ou le territoire métropolitain.

Contacté, Mansour Kamardine n’a pas répondu à nos sollicitations.

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