Le Collectif Oser la France veut assurer la primauté de la loi française sur l’ordre juridique européen, c’est-à-dire « concrètement supprimer les jurisprudences Nicolo et Jacques Vabre »

Création : 1 avril 2018
Dernière modification : 15 juin 2022

Auteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit, Université Paris Saclay

Source : Collectif « Oser la France », FigaroVox, 30 mars 2018

Assurer la primauté de la loi française sur l’ordre juridique européen en supprimant les jurisprudences Nicolo et Jacques Vabre conduit à modifier la Constitution pour soustraire la France au droit européen. En d’autres termes, un Frexit.

Les jurisprudences honnies par le Collectif « Oser la France », Nicolo du Conseil d’État (1989) et Jacques Vabre de la Cour de cassation (1975), ont en effet bouleversé le droit français en faisant primer les traités européens –et les traités internationaux en général- sur la loi française. Auparavant en effet, le législateur pouvait bloquer l’application du droit européen en France simplement en votant une loi contraire. Le juge s’estimait contraint par cette loi. Tout a changé avec les arrêts Nicolo et Jacques Vabre, dont tout étudiant en droit est abreuvé dès la deuxième année. Le mécanisme en est très simple : un justiciable pense qu’une loi française va à l’encontre d’un texte européen (traités, règlements et directives européennes, décisions de la Commission, etc.) ; il s’estime donc privé de l’application de ce texte européen, à cause de la loi française ; il peut alors demander au juge d’écarter la loi française et de n’appliquer que le texte européen.

C’est le principe de primauté du droit européen, tel que : 1/ voulu par les fondateurs de l’Europe afin d’assurer l’égalité de tous les européens ; 2/ consacré par la Cour de justice de l’Union européenne dès 1964 (arrêt Costa c. Enel) ; 3/ rappelé par une Déclaration commune des États membres n° 17 de 2007 annexée aux traités européens ; 4/ entériné par l’article 88-1 de la Constitution française ; 5/ et réaffirmé par le Conseil constitutionnel, qui a rappelé en 2004 que le respect des directives européennes découle de la Constitution et que seule la Constitution elle-même peut y déroger.

Le projet du collectif « Oser la France » suppose donc de modifier la Constitution. Car en tout état de cause, si les parlementaires votent une loi pour écarter les jurisprudences Nicolo et Jacques Vabre, cette loi sera écartée… par les jurisprudences Nicolo et Jacques Vabre car elle est contraire au droit européen.

Conséquence d’une telle modification de la Constitution, la France s’extrairait effectivement de l’emprise du droit européen. Certains appellent cela un Frexit.

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