L’association de Soutien à Patrick Balkany, créée par des habitants de Levallois, souhaitait payer sa caution via un appel aux dons pour que l’intéressé puisse sortir de prison. Est-ce juridiquement possible ?

Création : 13 novembre 2019
Dernière modification : 20 juin 2022

Auteurs : Emmanuel Daoud, avocat, et Juliette Hénon, juriste, Cabinet Vigo

Trois levalloisiens ont déposé, mercredi 6 novembre 2019, les statuts d’une « Association de Soutien à Patrick Balkany », dont l’objet est de payer la caution de leur ancien maire, condamné à quatre ans et cinq ans de prison ferme pour, en résumé, fraude fiscale et blanchiment. Depuis, il a fait appel et déposé une première demande de mise en liberté, qui a été rejetée. Le juge doit statuer sur une deuxième demande.

Si la cour d’appel avait accédé à cette deuxième demande de Patrick Balkany, ce dernier aurait tout de même s’acquitter d’une caution de 500 000 euros pour pouvoir effectivement sortir de prison dans l’attente de son procès d’appel. C’est la loi : en vertu des articles 148-1, 141-1, 139 et 138, alinéa 11° du code de procédure pénale pris ensemble et tels qu’appliqués par la Cour de cassation, lorsqu’un détenu obtient une mise en liberté sous contrôle judiciaire, il ne peut être libéré avant d’avoir versé une somme convenue par avance.

En attendant une troisième demande de mise en liberté, l’association de soutien à Patrick Balkany poursuit-elle un but légal ?

L’article 40 de la loi du 29 juillet 1881 prohibe le fait d’annoncer publiquement ou d’ouvrir des souscriptions ayant pour objet de compenser des amendes, frais et dommages-intérêts infligés par des condamnations judiciaires. Mais le versement d’une caution s’assimile plutôt à une modalité de la remise en liberté et in fine, de ce qu’on appelle le contrôle judiciaire, qui doit être distingué de la condamnation judiciaire. La caution n’est issue d’une condamnation, et ne peut donc être assimilée aux « amendes, frais et dommages-intérêts prononcés par des condamnations judiciaires ». Une association ayant pour but de financer une caution judiciaire ne serait donc pas visée par le code de procédure pénale (articles cités plus haut).

Ce raisonnement est toutefois contredit par l’article 142 du code de procédure pénale. Aux termes de cet article, le cautionnement vise à garantir deux éléments :

–       Le paiement de la réparation des dommages causés par l’infraction et le paiement des amendes.
–       La représentation du mis en examen (ou prévenu ou accusé selon la gravité de l’infraction)  à tous les actes de la procédure et pour l’exécution du jugement.

C’est ce dernier cas qui importe ici : garantir la représentation de Patrick Balkany en tant que prévenu a pour objet de s’assurer qu’il sera présent ou représenté à tous les actes de la procédure et jusqu’au terme de celle-ci. Ainsi, s’il satisfait à toutes ses obligations du contrôle judiciaire, s’il se soumet à l’exécution du jugement et se présente à tous les actes de la procédure, la partie de la caution correspondant à la « représentation en justice » du cautionnement lui sera restituée.

Ainsi, il semble bien qu’une association ne puisse légalement verser une caution à la place de la personne poursuivie. En cela, l’objet même de l’association tel que présenté devant les médias est illégal.

Reste que tout cela est bien théorique : il suffit que l’association, si elle recueille suffisamment d’argent, le donne voire le prête aux époux Balkany, qui le verseront au Trésor public.

Par ailleurs, Patrick Balkany se déclare insolvable (c’est-à-dire « ruiné » et incapable de payer ses dettes) : cette circonstance a-t-elle une incidence sur la caution ?

Patrick Balkany a fait savoir qu’il n’avait « plus un centime » et ne pouvait donc s’acquitter du paiement de la caution fixée. Il faut savoir que la cour de cassation, pour fixer le montant de la caution, prend en compte toutes les ressources et fonds dont dispose la personne mise en examen, et ne s’arrête pas aux déclarations d’insolvabilité des prévenus. Elle a par exemple jugé qu’une procédure de redressement judiciaire ne constitue pas une présomption d’insolvabilité faisant obstacle au versement de la caution, ou que le fixement de la caution ne pouvait se baser uniquement sur les seules allégations du mis en examen quant à sa solvabilité. C’est logique : l’insolvabilité doit être constatée par un jugement ou tout autre acte officiel ; et c’est seulement sur la base de cet acte officiel que le juge chargé de fixer la caution pourra évaluer le montant de la caution. En somme, si un juge vient à constater la faillite personnelle de Patrick Balkany, alors la caution pourra être fixée à un montant moindre.  Dans notre cas, l’état du patrimoine de Patrick Balkany n’est connu qu’à travers ses propres déclarations.

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