Guy Geoffroy (maire LR) veut déchoir les terroristes français de leur nationalité quitte à en faire des apatrides
Dernière modification : 22 juin 2022
Auteurs : Oyana Marius et Noa Di Rosa, master d’études européennes, Université Sorbonne-Nouvelle
Relectrice : Tania Racho, docteure en droit public, Université Panthéon-Assas
Source : CNEWS, 24 avril 2020
La loi française permet, par exception, de créer des apatrides par déchéance de nationalité, mais le texte est rédigé de telle façon qu’il n’inclut pas les personnes affiliées à l’État Islamique. Et même si une personne est déchue de la nationalité française pour acte de terrorisme, il serait très difficile de l’expulser.
Sur le plateau de CNews, le maire LR de Combs-la-Ville, Guy Geoffroy, appelle à utiliser “la déchéance de nationalité” contre les terroristes français, à la suite de l’attaque au couteau à Rambouillet le 23 avril 2021.
Or la déchéance de nationalité, “déjà évoquée il y a plusieurs années” comme le rappelle Guy Geoffroy, n’est pas évidente. Le droit français interdit la déchéance de nationalité si celle-ci entraîne l’apatridie, et même en cas de déchéance, la personne en question ne pourrait qu’être maintenue sur le sol français.
La loi française ne permet pas de créer des apatrides, sauf exception
En effet, selon le Code civil, il est interdit de déchoir un citoyen français de sa nationalité “si la déchéance a pour résultat de le rendre apatride […]” et ce, même “s’il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme” (article 25 du Code Civil).
Cependant, selon la procédure de l’article 23-8 du Code Civil, lorsqu’une personne appartient à une “armée ou un service public étranger”, ou à “une organisation internationale dont la France ne fait pas partie”, elle pourrait être déchue de sa nationalité par décret, quel que soit son statut, binational ou non. Pour cela, il faudrait que l’État islamique soit considérée comme une “armée étrangère”, notion qui est notamment définie dans l’article 43 du Protocole additionnel aux Conventions de Genève : sont des forces armées “toutes les forces, tous les groupes et toutes les unités armés et organisés”, placés sous le commandement d’un pays. L’appartenance aux forces de l’État islamique n’entre donc pas non plus dans les cas énumérés à l’article 23-8 du Code civil, qui vise davantage l’appartenance à l’armée officielle d’un pays.
Que deviendrait un terroriste français déchu de sa nationalité ?
Une fois déchu de sa nationalité, l’apatride serait dans l’incapacité de sortir du territoire. Sans papiers d’identité, il lui serait très compliqué de voyager, et la France ne pourrait pas non plus l’expulser, faute de pays d’origine.
Contrainte de rester sur le territoire français, la personne déchue de la nationalité française pourrait s’adresser à l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides) pour qu’il lui accorde le statut officiel d’apatride. Ce statut confère des droits similaires à ceux des réfugiés. Il se verrait alors délivrer un titre de séjour pour travailler ou voyager.
Une fois la demande déposée, le personne déchue devra prouver son apatridie, autrement dit démontrer qu’elle n’a pas d’autre nationalité. L’OFPRA procèdera à une enquête pour valider ou non le statut d’apatride. Cependant, l’OFPRA accorde très peu le statut d’apatride : seuls quelques dizaines de personnes en ont bénéficié en 2019 pour 286 demandes. Il paraît peu probable que le statut d’apatride soit accordé dans le cas d’un terroriste déchu de sa nationalité française puisque la France se réfère à la Convention des Nations Unies de 1954 relative au statut des apatrides, laquelle exclut expressément les personnes qui se sont “rendues coupables d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations-Unies” (art. 1er).
Finalement, si un français condamné pour terrorisme se voyait retirer sa nationalité pour participation à une armée étrangère, il devrait de toute façon rester sur le territoire français, sans statut particulier. On peut imaginer qu’il serait assigné à résidence, comme par exemple Merouane Benahmed, condamné pour terrorisme, mais ne pouvant être expulsé du territoire car il risque la peine de mort en Algérie.
Contacté, Guy Geoffroy n’a pas répondu à nos sollicitations.
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