Emmanuel Macron promet que « l’obligation de neutralité sera étendue aux salariés des entreprises délégataires (de services publics), ce qui n’était pas clairement le cas jusqu’alors »
Dernière modification : 20 juin 2022
Auteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay
Source : franceinfo TV, 2 octobre 2020
L’obligation de neutralité, notamment religieuse, des employés des entreprises privées qui gèrent un service public (gestion des eaux, transports, etc.) est en réalité très clairement affirmée par le juge. Mais il est aussi vrai qu’une loi dans ce sens rendrait l’application du principe plus facile.
Dans son discours sur ce qu’il appelle le « séparatisme », Emmanuel Macron a voulu s’attaquer à certains comportements dans les entreprises privées qui gèrent des services publics. Il a notamment déclaré que « l’obligation de neutralité (…) sera étendue aux salariés des entreprises délégataires, ce qui n’était pas clairement le cas jusqu’alors ».
La neutralité des services publics est inscrite dans la Constitution à travers la déclaration des droits de l’homme : principe d’égalité et liberté de conscience. L’article 1er de la Constitution ajoute : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion ».
Ce devoir s’étend aux agents du service public. C’est clair à propos des agents des services publics directement assurés par des personnes publiques, tel que l’enseignement (avis très souvent cité du Conseil d’État rendu en 2000). Cela reste vrai même lorsque ces agents exercent à leur domicile, comme les assistantes maternelles employées communales (décision de la cour administrative d’appel de Versailles, 2006).
Le juge ajoute que ce principe de neutralité, qui se traduit par l’obligation de laïcité, est applicable « à l’ensemble des services publics, y compris lorsque ceux-ci sont assurés par des organismes de droit privé » (décision de la Cour de cassation, 2013). On ne peut pas faire plus clair : dans les entreprises privées en charge de services publics (autrement dit les « délégataires de services publics » comme les transporteurs, les entreprises de distribution d’eau ou celles assurant des services de restauration), les agents au contact des usagers doivent respecter les principes de neutralité et de laïcité. Cela exclut les signes religieux extérieurs et plus encore les décisions prises sur des fondements religieux. Ainsi, l’exemple cité par le Président d’un contrôleur refusant l’accès à un transport au motif d’une tenue non conforme aux préceptes religieux, n’aurait jamais dû se produire, ou donner lieu à sanction. Peu importe que ces agents aient un statut de droit privé et non d’agent public. En tant qu’ils sont en charge de l’exécution d’un service public, et même si ce service public est assuré par une personne privée pour le compte d’une personne publique, ces agents doivent adapter leur posture.
Dans ces conditions, une loi nouvelle ne pourrait que « répéter » ce que dit déjà le juge, mais que le président E. Macron ne trouvait pas « clair ». Il est vrai que la jurisprudence, si elle est bien une norme s’appliquant à tous, n’est pas d’un accès facile. Alors si elle est inscrite dans la loi, peut-être que cette obligation de neutralité de tous les agents en charge de services publics sera mieux respectée.
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