Benoit Hamon déplore que « dans l’Indre ou dans les Pyrénées Orientales, on paie les mêmes impôts qu’à Paris ou dans les grandes métropoles (pour) deux fois moins de services publics ». Mais l’impôt ne se calcule pas en nombre de services publics reçus.

Création : 10 novembre 2018
Dernière modification : 17 juin 2022

Auteur : Jean-Paul Markus

Source : Sud Radio Matin, le 5 novembre 2018

Au contraire de ce qu’affirme M. Benoît Hamon, il n’y a pas deux fois moins de services publics en territoire rural qu’en ville, et il est juridiquement faux de comparer les sommes qu’une personne verse en impôt et la valeur qu’elle reçoit en services publics.

Benoit Hamon, président du parti Génération.s, entend dénoncer un phénomène indéniable : la diminution du nombre de services publics dans les campagnes. Il pointe à raison le fait que tous les Français paient pourtant le même impôt sur les revenus, et en conclut à une « remise en cause de l’égalité devant les services publics ». Selon lui donc, à impôts identiques, services publics identiques. Mais l’équation est fausse car ses bases même le sont.

D’abord, le service public n’est juridiquement pas la contrepartie de l’impôt au sens où le contribuable aurait droit à des services publics à hauteur de ce qu’il paie. C’est le principe même du service public qui est un outil de redistribution : ceux qui paient le moins d’impôts sont ceux qui utilisent le plus de services publics (transports, soins gratuits, aides sociales, écoles publiques, médiathèques, etc.), tandis que ceux qui payent le plus d’impôts ont un véhicule, voient un médecin libéral dans une clinique privée, mettent leur enfant en école privée, s’achètent leur livres et DVD, etc. C’est caricatural bien sûr, mais cela montre qu’il n’y a pas de proportion entre impôt payé et services publics « reçus ».

Ensuite, les sommes versées par un contribuable au titre de l’impôt vont à un « pot commun » (le budget de l’État ou de la collectivité territoriale) et financent l’ensemble des services publics. Il est donc impossible, matériellement ou juridiquement, de savoir ce que l’argent de ce même contribuable finance exactement (c’est le principe de non-affectation de l’impôt). Ainsi, le contribuable écologiste ne peut refuser que son argent finance les routes, et le contribuable non-fumeur paiera aussi pour les cancers du poumon des fumeurs qu’il désapprouve. Ce système solidaire fonde toutes les sociétés développées ; sans lui, il n’y aurait plus de cohésion sociale.

Enfin, M. Hamon omet la démographie. Si les citadins bénéficient de services publics à proximité, les habitants des territoires ruraux bénéficient des mêmes services, mais éloignés. Le problème des territoires ruraux n’est pas l’absence de services publics mais leur éloignement lié à une donnée démographique incontournable : 20 934 habitants au km² à Paris, 33 dans l’Indre selon l’INSEE, soit un rapport de 1 à 600 environ. En comparaison, 1048 points poste à Paris, 179 dans l’Indre, soit un rapport de 1 à 6. Ce sont les campagnes qui ont en réalité le plus de services publics pour le même impôt, même si, bien entendu, le ressenti n’est pas le même, s’agissant en outre de populations dont les besoins peuvent être différents. Le même raisonnement peut être tenu pour les écoles, les services de santé, etc. Il n’y a donc aucunement inégalité numérique devant le service public. Un rapport parlementaire de mai 2018 avait même conclu que le déficit en services publics se trouvait dans des zones très denses telles que la Seine-Saint-Denis.

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