Fabien Roussel propose de priver les fraudeurs fiscaux de leurs droits civiques
Dernière modification : 30 septembre 2022
Auteur : Valentin Ricard, master d’études parlementaires et études législatives, Université Aix-Marseille
Relectrice : Sophie Meynet de Cacqueray, maître de conférences en droit public, Université Aix-Marseille
Source : Cnews, 6 février 2022
La privation des droits civiques existe déjà dans le Code général des impôts. De plus, elle ne permet pas de refuser au contribuable la prise en charge de ses soins par la sécurité sociale lorsqu’il a quitté la France pour des raisons fiscales, et revient se faire soigner.
Fabien Roussel, député communiste et candidat à l’élection présidentielle, a exprimé lors d’un meeting de campagne sa volonté de mieux lutter contre la fraude fiscale en privant les fraudeurs de leurs droits civiques. Or, c’est déjà prévu dans le Code général des impôts.
Une peine complémentaire existant déjà
Pour réprimer la fraude fiscale, bon nombre de procédés existent dans le Code général des impôts qui lui-même renvoie vers le Code pénal qui prévoit, selon les cas, une peine d’emprisonnement et/ou une lourde amende. À ces peines s’ajoutent des peines complémentaires dont l’une est la privation des “droits civiques, civils et de famille”. Cette peine complémentaire est très courante et elle est régie par le Code pénal. Elle s’applique à tous les crimes et à une très grande partie des délits, mais aussi en matière électorale, commerciale (par exemple en cas de faillite frauduleuse) et ainsi qu’en matière fiscale. La proposition de Fabien Roussel n’apporte donc rien de nouveau à la législation française, sauf si l’on doit la comprendre comme le souhait d’une application plus systématique par les juges, comme “arme de dissuasion” contre les fraudeurs, et donc pour freiner la fraude fiscale.
La privation des droits civiques ne prive pas du droit aux soins, et autres confusions dans le même discours
Fabien Roussel semble ensuite faire une confusion : il évoque dans le même discours la privation du droit à la sécurité sociale vis-à-vis des fraudeurs fiscaux, comme si la privation des droits civiques avait un effet sur le droit aux soins.
Or les deux n’ont rien à voir. La privation des droits civiques, c’est, par exemple, être déchu de son droit de vote ou d’être élu. Mais ce n’est en aucun cas priver une personne du droit d’accès aux soins à travers la perte du bénéfice de la sécurité sociale. Si c’est de cette manière que Fabien Roussel entendait dissuader les gros contribuables de frauder, il faudra donc trouver autre chose.
D’autant que Fabien Roussel fait référence aux contribuables qui sont partis de France pour des raisons fiscales, et qui reviennent périodiquement se faire soigner en bénéficiant de la Sécurité sociale. Or, un contribuable qui quitte la France pour payer moins d’impôts n’est pas en fraude, et le fisc ne peut le poursuivre. Il peut donc revenir se faire soigner en France, sauf à trouver d’autres moyens légaux – et constitutionnels – de l’en empêcher.
Contacté, Fabien Roussel n’a pas répondu à nos sollicitations.
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