Éric Ciotti demande un “moratoire sur les flux migratoires” et la “suspension” de certaines demandes d’asile pour lutter contre le terrorisme.

Création : 12 novembre 2020
Dernière modification : 21 juin 2022

Autrice : Chloé Geneix, étudiante en Master droit européen des droits de l’homme à l’université de Lyon 3, sous la direction de Tania Racho, docteure en droit public, Université Paris II Panthéon-Assas

Source : Compte Twitter d’Éric Ciotti, le 6 novembre 2020

Suspendre le droit d’asile à l’égard des ressortissants de certains pays, de façon systématique, serait contraire à notre Constitution et au droit international.

Face à l’augmentation des actes terroristes en France et notamment aux attaques du 29 octobre à Nice, la droite a émis quelques propositions afin que le Gouvernement soit en mesure de mieux lutter contre le terrorisme. Parmi ces dernières, celle d’Éric Ciotti qui demande la mise en place d’un “moratoire sur les flux migratoires” et la suspension des demandes d’asile à l’égard des ressortissants de certains pays. Pour le député LR, la France ainsi que l’Europe seraient “devenues des passoires, laissant passer des individus qui menacent notre culture et notre sécurité nationale”. Or, le refus systématique du droit d’asile à l’égard de ressortissants de certains pays remet en cause la garantie de ce droit à valeur constitutionnelle.

Tel que consacré par la Constitution dans son préambule et interprété par le Conseil constitutionnel en 1993, le respect du droit d’asile “implique que l’étranger qui se réclame de ce droit soit autorisé à demeurer provisoirement sur le territoire jusqu’à ce qu’il ait été statué sur sa demande”. Ce droit permet de donner refuge à des individus qui subissent des persécutions et autres abus dans leur pays. 

Le droit d’asile repose sur la garantie d’une protection juridique quel que soit le pays d’origine, et en toute période. Il implique l’examen impartial de la demande, ainsi qu’un droit au maintien sur le territoire le temps du traitement de la demande.   

Or, exclure systématiquement certains pays du droit d’asile revient à nier ce droit, alors même que le demandeur répond aux conditions et ne vient pas pour perpétrer un attentat. C’est donc contraire à notre Constitution et au droit international. 

En outre, depuis la loi du 25 juillet 1956, il revient à l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides) d’instruire les demandes d’asile. Cette autorité administrative est indépendante, c’est pourquoi elle ne saurait être influencée par les instructions particulières que lui donnerait le gouvernement s’agissant des conditions d’admission d’un demandeur d’asile. En conséquence, l’OFPRA n’aurait pas à obéir à une directive du gouvernement d’exclure les ressortissants de tel ou tel pays de toute protection par l’asile. 

Ainsi, tel qu’envisagé par Eric Ciotti, un moratoire est contraire à la Constitution. À moins de réviser la Constitution. Mais une telle révision entrerait en contradiction avec les engagements internationaux de la France, dont il faudrait aussi se dégager.

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