Emmanuel Macron chanoine de la basilique de Saint Jean de Latran : le titre ne fait pas le chanoine
Dernière modification : 17 juin 2022
Auteur : Richard Ghévontian, professeur de droit, Université Aix-Marseille
Le président Macron recevant à Rome les insignes de la charge de Chanoine de la Basilique de Saint Jean de Latran : contraire au principe de laïcité ?
Emmanuel Macron a dernièrement reçu des mains du Pape à Rome les insignes de la charge de Chanoine de la Basilique de Saint Jean de Latran qui est de droit attribuée au Président de la République en fonction. Cette cérémonie a été à l’origine en France d’une polémique portée par certains élus, qui y voient une atteinte inacceptable à l’un des principes cardinaux de notre République : le principe de laïcité. Or le titre ne fait pas le chanoine.
Origine de cette remise d’insignes
Pour bien appréhender la dimension de cette question, il est utile de faire un petit rappel historique et de s’intéresser au contenu même de cette charge de chanoine. L’origine de cette tradition remonte à Louis XI sous le règne duquel avait été créée la charge de «premier et unique chanoine honoraire de l’archibasilique du Latran ».
Cette tradition a été, en quelque sorte, réactivée par Henri IV. Celui-ci, après avoir, aux termes de longues et dures négociations avec le Saint Siège, abjuré sa foi protestante, reçut ce titre. Cette tradition perdure encore aujourd’hui : depuis lors, tous les monarques et Présidents français ont reçu ce titre indéfectiblement attaché à leur fonction.
Antécédents sous la V° République
Sous la V° République, tous les Présidents n’ont pas eu le même comportement vis-à-vis de cette distinction. Si Charles de Gaulle, Valéry Giscard d’Estaing, Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy (et désormais Emmanuel Macron) ont fait le déplacement à Rome pour y recevoir leur titre, d’autres s’y sont refusé. Ce fut le cas de Georges Pompidou, François Mitterrand et François Hollande. Toutefois aucun de ces trois chefs d’État n’a renoncé explicitement à cette charge : ils se sont contentés de ne pas en recevoir les insignes, sans remettre en cause cette tradition pour les Présidents suivants.
Une fonction laïque
Par-delà ces considérations historiques, la vraie question demeure : cette tradition est-elle en rupture avec le principe de laïcité tel qu’il est consacré par la Constitution et par la loi de 1905 ? Autrement dit, nos Présidents devraient-ils expressément renoncer à ce titre, en vertu de la loi de 1905 ? Pour répondre à ces questions, il faut tout d’abord remarquer que ce titre de Chanoine n’est pas le seul dont est paré le Président français. Celui-ci est, en effet chanoine d’une bonne dizaine de cathédrales et d’églises dont la plus connue est celle de Saint-Germain-des-Prés à Paris.
Mais que recouvre réellement cette charge ? Il s’agit d’une charge honorifique qui fait de son titulaire un chanoine d’honneur laïc. Par conséquent ce titre ne confère pas au chef de l’État la moindre responsabilité ou la moindre fonction religieuse. On pourrait cependant objecter que ce titre est remis au Président français par une autorité religieuse. C’est oublier que le Pape est aussi un chef d’État et que la distinction concernée relève des usages diplomatiques entre États puisqu’elle est attachée à une fonction (celle de Président de la République) et non à une personne que le souverain Pontife aurait tout loisir de choisir et d’honorer.
Une fonction tout à fait compatible avec la loi de 1905
De la même manière que le titre de coprince d’Andorre (conféré de plein droit au chef de l’État en exercice et qu’il partage d’ailleurs avec l’Evêque d’Urgell) n’affecte en rien le caractère républicain de notre régime politique, le titre de chanoine d’honneur de Saint Jean de Latran ne remet aucunement en cause le principe de laïcité qui est l’un des piliers fondateurs de notre République. Certes, symboliquement, la question peut se poser, mais par-delà les apparences elle reste bien secondaire et épidermique. Alors que l’on se rassure : le Président Macron, comme tous ces prédécesseurs, a bien hérité du titre mais il ne portera ni la coiffe de chanoine ni la couronne de coprince. La France reste bien une République laïque.
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