Robert Ménard prend un arrêté de police interdisant « du 1er mai au 30 septembre de chaque année, l’utilisation de narguilé ou chicha (…) dans tous les espaces publics »
Dernière modification : 17 juin 2022
Auteur : Hicham Rassafi-Guibal
Source : Arrêté du 31 mai 2018
L’arrêté du maire de Béziers interdisant le narguilé ou la chicha dans tous les espaces publics est illégal en ce qu’il est disproportionné par rapport à l’objectif qu’il se fixe, et prévoit en outre une confiscation.
La Ville de Béziers a publié un communiqué sur Twitter précisant que cet arrêté vise un objectif de protection du « bien-être et (de) la santé des habitants ». Mais, comme d’autres décisions du maire de Béziers, l’arrêté en question présente de très grandes faiblesses juridiques.
D’abord, l’arrêté de police est exécutoire depuis le 31 mai 2018, alors que la période d’interdiction débute au 1er mai de chaque année. Pour la période du 1er au 31 mai 2018, l’arrêté présente donc un caractère rétroactif, ce que les principes généraux du droit, dégagés par le Conseil d’État, interdisent. Si ce principe ne conduit pas forcément à l’annulation de l’arrêté, il le rend inapplicable pour la période antérieure à son adoption.
Ensuite, le fondement juridique de l’arrêté, c’est-à-dire le texte de loi qui donne compétence au maire d’agir, s’avère fragile. L’arrêté vise la police municipale et le code de la santé publique. Or, la police administrative de la santé publique appartient au ministre de la Santé et non au maire, qui ne peut agir que pour l’exécution des mesures prises par le ministre, et encore, uniquement en adoptant des mesures plus strictes si et seulement si des circonstances particulières locales rendent nécessaire cette aggravation. La loi elle-même établit déjà la liste des lieux où il est interdit de fumer. Le maire ne pouvait donc pas interdire de fumer dans d’autres lieux. La loi attribue également à l’autorité nationale la compétence pour adopter des mesures de lutte contre la pollution atmosphérique. Le maire était donc, là encore, incompétent, sauf à démontrer l’existence de circonstances locales qui feraient des narguilés des sources de trouble à l’ordre public (risques pour la salubrité, la sécurité, la tranquillité publiques, etc.).
Ces causes d’illégalités rejoignent un autre problème de fond qui est celui des motifs, c’est-à-dire des raisons concrètes qui rendent nécessaires l’intervention de la police municipale. Il faut que ces motifs soient réels et de nature à justifier la mesure d’interdiction. Globalement le maire justifie l’arrêté par le fait que les passants doivent être protégés des fumées et que les jeunes ne doivent pas être incités à la consommation de tabac. S’agissant de la protection des jeunes, si elle pourrait justifier une interdiction près des écoles et jardins d’enfants, un juge n’admettrait pas une interdiction sur « tous les espaces publics » comme le prévoit l’article 1er de l’arrêté. S’agissant des fumées dont il faudrait protéger les Bitterrois, pourquoi alors n’interdire que le narguilé, et pas la cigarette, voire les véhicules diesel ? Il y a là soit un problème d’égalité devant la loi, soit un défaut de raisonnement dans l’arrêté (en droit : « erreur de motifs ») et donc illégalité.
Enfin, le Conseil d’État exige des mesures de police qu’elles soient proportionnées dans le temps et l’espace, ce qui le conduit très souvent à annuler les interdictions trop générales. Dans le temps, l’interdiction s’étend sur 5 mois et concerne tous les jours de la semaine. Dans l’espace, l’arrêté prévoit une interdiction absolue dans tous les « espaces publics » du territoire de la commune. Ce manque de proportion permet de conclure, encore une fois, à l’illégalité de la mesure. En outre, l’arrêté prévoit la confiscation de la chose ayant servi à l’infraction, c’est-à-dire, du narguilé. Or, aucune disposition du code pénal ne permet que la contravention de 1ère classe qui réprime l’infraction à un arrêté de police soit complétée par une confiscation. L’arrêté est donc, une dernière fois sur ce point, illégal.
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