Selon le député (LR) Eric Ciotti « les centres de rétention des étrangers en situation irrégulière ont quasiment tous été fermés »
Dernière modification : 20 juin 2022
Autrice : Jeanne Marrié, étudiante à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye, sous la direction de Tania Racho, docteure en droit public, université Paris 2 Panthéon-Assas
Source : Europe 1, le 6 avril 2020
Eric Ciotti commet ici une double confusion : d’abord, les centres de rétention administrative ne renferment que des étrangers en situation irrégulière, pas des auteurs de crimes ou délits, qui eux sont en principe en prison. Ensuite, seuls 9 centres sur 24 ont fermé leurs portes, en raison de l’absence de départ possible des étrangers pendant la période de confinement.
Sur Europe 1, le député LR Éric Ciotti a évoqué les remises en liberté d’étrangers en situation irrégulière, jusqu’alors retenus dans des centres de rétention administrative (CRA) qui seraient désormais « quasiment tous fermés » du fait de la crise sanitaire due au coronavirus. Selon lui, ces personnes « allaient être expulsées » et sont donc « très dangereuses ». C’est doublement faux.
D’abord, les CRA regroupent les étrangers qui ne sont pas autorisées à se maintenir sur le territoire français, non pas en raison d’un crime ou délit qu’ils auraient commis (ils seraient en prison), mais à défaut de titre de séjour régulier. Des familles avec enfants peuvent donc être enfermées en CRA, alors qu’à l’inverse les personnes dont le comportement représente une menace pour l’ordre public ne sont en principe pas placées en centre de rétention, mais assignées à résidence si le renvoi immédiat dans leur pays d’origine n’est pas possible (article L.523-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dit « CESEDA »).
En somme, certains étrangers placés en CRA le sont en vue de leur expulsion, certes (article L.551-1 du CESEDA), mais la plupart d’entre eux font en réalité l’objet d’une mesure d’éloignement avec obligation de quitter le territoire français, par ses propres moyens en principe, et dans les trente jours (article L.511-1 du CESEDA). Cela signifie que normalement, les personnes « très dangereuses » comme les qualifie le député des Alpes-Maritimes, ne sont pas placées en CRA.
Seconde erreur d’Éric Ciotti, tous les CRA ne sont pas fermés, loin de là. La fermeture des CRA a certes été demandée par plusieurs associations, mais également par la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté et le Défenseur des droits. Rien de très étonnant à cela, car l’article L.554-1 du CESEDA dispose en effet qu’un étranger “ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ”. Or, en cette période de confinement et de fermeture des frontières, les mesures d’éloignement ne peuvent être appliquées. Conséquence : la rétention se prolonge et devient illégale. En outre, les conditions matérielles de vie en CRA ne permettent pas l’application des mesures barrières qui protègeraient les retenus du risque d’infection au Covid-19.
Pour autant, au 26 mars, seuls 9 centres de rétention sur 24 avaient été vidés de leurs occupants. La grande majorité est donc toujours ouverte, une situation qui a même été validée par le Conseil d’État.
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