Sera-t-il bientôt interdit d’arroser son jardin à l’eau de pluie ?
Auteur : Jean-Baptiste Breen, étudiant en master de journalisme à Sciences Po Paris
Relecteurs : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, université Paris-Saclay
Nicolas Turcev, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Nicolas Turcev, journaliste
Source : Compte Facebook, le 29 mai 2025
Relayée par plusieurs sites, une information inquiète de nombreux internautes. Ils craignent de ne plus pouvoir arroser leur jardin avec l’eau de pluie, au risque de devoir payer une amende. Problème : cette réglementation est introuvable.
De bien mauvaises nouvelles tombées du ciel. Depuis la fin du mois de mai, plusieurs sites comme Inspire France ou La Fontaine sonnent l’alerte. « Jardiniers attention, une amende de 135€ s’appliquera dès le 2 juillet si vous utilisez l’eau de pluie », titre La Fontaine le 29 mai.
Le signal d’alarme a ensuite rapidement retenti sur les réseaux sociaux, ici, ici ou encore ici. Plus surprenant, l’histoire s’est frayé un chemin jusqu’en Pologne, relayée par le nationaliste Paweł Usiądek sur son compte X.
Les Surligneurs avaient déjà décrypté les questions relatives à l’eau de pluie en 2023, après des affirmations totalement infondées de Florian Philippot sur une supposée « privatisation de l’eau de pluie » à la suite d’un décret du 29 août 2023 qui précise leurs conditions d’utilisation.
Comme il y a deux ans, cette controverse ne s’appuie sur aucun texte. Qu’il s’agisse des internautes ou des articles dont ils s’inspirent, aucun ne cite d’ailleurs de sources légales ou réglementaires. Et pour cause : pas une seule proposition de loi n’a été déposée sur cette question et aucun décret n’est paru autre que celui de 2023. Les rumeurs vont même à contre-courant du contenu de ce texte.
Le Conseil d’État a précisé, en mai 2025, que les dispositions de ce décret « n’ont ni pour objet ni pour effet de limiter l’utilisation des eaux de pluie à des fins domestiques ». Autrement dit, libre aux jardiniers d’arroser leur terrain avec l’eau de pluie de leurs récupérateurs.
Un cadre législatif étanche
La loi française est donc très claire et n’interdit en aucun cas l’utilisation de l’eau de pluie, surtout pas pour l’arrosage des plantes. Pourtant, à en croire l’article d’Inspire France, cette utilisation sera soumise à une « autorisation préalable », « gérée par les municipalités ».
Là encore, la loi contredit entièrement cette affirmation. Le décret de 2023 précise que « l’utilisation des eaux de pluie est possible sans procédure d’autorisation ». Plus encore, selon l’article 641 du Code civil, « tout propriétaire a le droit d’user et de disposer des eaux pluviales qui tombent sur son fonds ».
Les sites qui relaient cette fausse information mettent en avant l’argument écologique comme principale justification à la création d’une amende de 135 euros. « À long terme, explique le site La Fontaine, [cette mesure] promet des bénéfices significatifs pour l’environnement ».
Pourtant, le Code de l’environnement valorise, au contraire, « la promotion d’une utilisation efficace, économe et durable de la ressource en eau, notamment par le développement de […] l’utilisation des eaux de pluie en remplacement de l’eau potable ».
En d’autres termes, tout dans le droit actuel confirme que l’utilisation des eaux de pluie n’est non seulement pas soumise à autorisation ou sanctionnée d’une amende, mais qu’elle est en réalité encouragée. Autant dire que de l’eau aura coulé sous les ponts avant que les arrosoirs soient remplis à l’eau minérale.