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Crédits : Wikinade (CC 3.0, photo modifiée)

L’Union européenne dispose-t-elle de compétences en matière de sécurité et de défense ?

Création : 10 mars 2025
Dernière modification : 12 mars 2025

Autrice : Léa Houssain, étudiante en master Droit européen et droit international à l’université de Lille

Relecteur : Vincent Couronne, directeur général des Surligneurs, docteur en droit européen, enseignant à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Hugo Guguen, juriste

Source : France Culture, le 19 Février 2025

Contrairement à ce qu’affirme Hubert Védrine, l’Union européenne dispose bien de compétences en matière de sécurité et de défense, et ce, depuis 1992 avec le Traité de Maastricht.

Après l’annonce de négociations entre les États-Unis et la Russie, la question d’un possible envoi de troupes en Ukraine a émergé, conjointement avec la question de l’action européenne en matière de défense.

S’il est vrai que l’Union n’a pas d’armée européenne et ne dispose que des armées mises à disposition par les États membres (article 42,§3 TUE), cela ne signifie pas que l’Union n’a pas de compétence en matière de sécurité et de défense, comme l’affirme l’ancien ministre Hubert Védrine.

Une compétence européenne en matière de défense

Le Traité de Maastricht de 1992 instaure ce qui deviendra la Politique de sécurité et de défense commune avec le Traité de Lisbonne de 2007. Cette dernière représente le volet sécurité et défense de la Politique étrangère de sécurité commune (PESC) et prévoit, entre autres, la possibilité pour l’Union de faire appel aux forces militaires nationales des États membres dans le cadre des opérations de gestion de crise (article 42 du Traité sur l’Union européenne) Ces opérations peuvent prendre la forme d’opérations militaires ou de missions civiles et militaires.

Dès lors, la compétence de l’Union en matière de sécurité et défense est nettement avérée par les Traités. La sécurité et la défense constituent par ailleurs l’une des priorités définies par la Commission européenne pour le mandat 2024-2029, ce qui ne fait aucun doute sur la possibilité offerte à l’Union d’agir en la matière.

Ainsi, lorsque la présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen, annonce un plan de 800 milliards d’euros destiné à renforcer la défense européenne, elle agit dans le cadre de ses compétences, contrairement à ce qu’affirme Florian Philippot.

Une compétence limitée par des modalités contraignantes

Si l’Union dispose d’une compétence en théorie, la pratique est bien plus complexe. Les États membres doivent négocier et se mettre d’accord pour prendre une décision en la matière : l’unanimité est requise.

Ces discussions se font au sein du Conseil européen, composé des chefs d’États et de gouvernement, et au sein du Conseil de l’Union, dont font partie les ministres des États, en l’occurrence ceux des Affaires étrangères et de la Défense.

Dès lors, sauf quand les Traités en disposent autrement, une acceptation de tous les États membres est nécessaire, ce qui peut rendre l’exercice de la compétence considérablement laborieux.

L’Histoire a pu prouver que les États ne sont pas souvent enclins à aller dans le sens d’une défense européenne, comme ce fut le cas de l’échec de la mise en œuvre d’une Communauté européenne de défense en 1954 ou encore l’échec des Plans Fouchet.

L’Union européenne dispose donc bien d’une compétence en matière de sécurité et de défense. Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022, l’Union utilise cette compétence, notamment par des projets comme l’EDIS et l’EDIP qui ont pour but de développer l’industrie et la stratégie militaires pour soutenir l’Ukraine.

 

[Mise à jour le 13/03/2025 de la phrase : « Ainsi, lorsque la présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen, annonce un plan de 800 milliards d’euros destiné à renforcer la défense européenne, elle agit dans le cadre de ses compétences, contrairement à ce qu’affirme Florian Philippot.« ]