Crédit : Alexis Tauzin (Photo modifiée)

Peut-on ne pas payer ses factures de gaz et d’électricité car la nationalisation d’EDF et GDF de 1946 est nulle ?

Création : 23 octobre 2024

Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public à l’université de Poitiers

Relecteurs : Bertrand-Léo Combrade, professeur de droit public, Université de Poitiers 

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Etienne Merle, journaliste

Source : Compte Facebook, le 17 août 2024

Bien qu’il soit vrai que la période suivant la Libération de la France et la chute du régime de Vichy ait été floue sur les plans juridique et institutionnel, il serait incorrect de penser que le Gouvernement provisoire a opéré sans aucun cadre légal.

Tout notre droit serait-il illégal ? Selon un internaute, il ne faudrait plus payer nos factures aux fournisseurs EDF et GDF, voire demander à être remboursé de tout ce que l’on a pu déjà payer.

La cause ? La loi du 8 avril 1946 portant sur la nationalisation de l’électricité et du gaz, promulguée par le Gouvernement Provisoire de la République française (GRPF), n’aurait aucune légitimité constitutionnelle. Selon cet internaute, ce régime politique serait en effet un “gouvernement de fait et non un gouvernement de droit“, et que par extension la loi de nationalisation serait “nulle“.

Si l’on peut admettre que la période qui a suivi la Libération de la France et la chute du régime de Vichy était nébuleuse sur le plan juridique et institutionnel, il est erroné de considérer que le GPRF a fonctionné en dehors de tout cadre juridique.

Un cadre républicain bien rétabli

À la chute du régime de Vichy, Charles de Gaulle, à la tête du Gouvernement provisoire, promulgue l’ordonnance du 9 août 1944 qui rétablit la “légalité républicaine” en France. Cette ordonnance a un effet rétroactif, c’est-à-dire qu’elle s’applique pour une période antérieure à sa création.

Par cet acte, le général de Gaulle efface l’existence juridique du régime de Vichy, de ses lois raciales, et établit ainsi une continuité avec la République.

Le Gouvernement provisoire validé par le vote des Français

À la suite d’un référendum organisé par le Gouvernement provisoire au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les Françaises et les Français ont approuvé l’adoption de la loi du 2 novembre 1945 qui organise le fonctionnement des pouvoirs publics en attendant l’adoption d’une nouvelle Constitution.

De novembre 1945 à octobre 1946, cette loi fera office de Constitution provisoire. C’est sur le fondement de ce texte que la loi du 8 avril 1946 a été promulguée“, détaille Emmanuel Cartier, professeur de droit public à l’Université de Lille et spécialiste de la transition constitutionnelle entre 1940 et 1945.

N’en déplaise à ceux qui espèrent obtenir une ristourne sur leurs factures énergétiques, le GPRF (Gouvernement provisoire de la République française) a bien été le gouvernement juridiquement habilité, même sans se fonder sur un texte formellement qualifié de Constitution, pour promulguer des lois en France à cette époque. Il existait bien un ordre juridique permettant l’adoption de lois.

Il est ainsi faux de considérer que la loi du 8 avril 1946 portant sur la nationalisation de l’électricité et du gaz est nulle en l’absence de Constitution. Il existait bien un cadre juridique faisant office de Constitution provisoire durant cette période. Mieux vaut donc payer sa facture que de vivre dans le noir…

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