Non, un aéroport des Canaries n’a pas été fermé pour transférer plus de 3 000 migrants à Madrid

Comme souvent sur les sujets immigration, il y a du vrai… et du faux. Ici en l’occurrence, c’est la vidéo d’une file d’attente dans un aéroport qui est utilisée par des internautes pour affirmer que le site a été fermé pour gérer le transfert par avion de plus de 3 000 migrants, des Canaries vers l’Espagne continentale.

Certains internautes parlent de “trahison” du gouvernement qui viendrait en aide aux migrants quand “des retraités espagnols mangent de la nourriture provenant des bennes à ordures et de la nourriture jetée par les restaurants”.

Dans cette vidéo, composée de deux séquences, on voit principalement des hommes noirs, documents à la main, en train de patienter en file indienne. Si la question de la crise migratoire en Espagne, en particulier dans les îles Canaries, est une réalité, reste à savoir si toutes ces affirmations sont vraies. Les Surligneurs ont mené l’enquête.

L’aéroport n’a pas été fermé

En regardant la vidéo publiée sur les réseaux, il semble possible de déduire que le site était ouvert au moment de la captation vidéo : derrière la file d’attente, on aperçoit d’autres voyageurs assis.

Contactée, l’AENA, la société qui s’occupe des aéroports de Tenerife confirme : “L’aéroport n’a pas été fermé pour cette raison”, balaie par mail le service communication. 

Même son de cloche auprès de l’ACCEM. L’ONG, qui prend en charge les migrants sur tout le territoire espagnol, nous a également confirmé que l’aéroport “n’a pas été fermé” pour permettre le transfert des réfugiés.  

Relai d’extrême droite

Pour vérifier le nombre de migrants présents ce jour-là, il nous faut comprendre d’où provient la vidéo. En observant bien la première séquence, on remarque au centre de l’image une inscription. Il est écrit “La Gaceta de la Iberosfera”. C’est un journal espagnol, lié au parti politique d’extrême droite espagnol Vox. 

En cherchant la vidéo sur leurs site et réseaux sociaux, on trouve finalement l’enregistrement sur le compte X du média. Tout d’abord, on remarque qu’en description de la publication, le journal ne fait pas mention de plus de 3 000 migrants, contrairement aux internautes, mais plutôt de plus de 2 000. 

14 millions d’euros d’aide de l’Union européenne 

Si notre internaute exagère largement les faits, il n’en reste pas moins que l’Espagne, notamment les Canaries, connaît une pression migratoire exceptionnelle. 

Depuis 2006, l’archipel d’îles espagnoles, situé en face du sud Maroc, connaît un afflux de migrants d’Afrique important. Débordé, le petit territoire fait régulièrement appel au gouvernement espagnol pour l’aider à gérer les arrivées. “En Espagne, les régions constituent des communautés autonomes, avec des prérogatives sur certains sujets, notamment celui de l’immigration. Mais les Canaries aimeraient qu’il y ait plus de solidarité sur ce sujet en particulier avec le reste du pays”, explique Nicolas Kirilowits, journaliste aux Surligneurs basé aux Canaries. 

En 2023, la situation n’a pas perdu en intensité. Le ministère de l’Intérieur a enregistré 39 910 migrants arrivés sur les îles situées dans l’océan Atlantique, soit une hausse de 154,5 % par rapport à 2022. En 2024, un nouveau record semble être sur le point d’être battu. Entre le 1ᵉʳ janvier et le 31 août, 25 524 entrées ont été enregistrées aux Canaries, soit plus du double par rapport à 2023 (11 439 entrées à la même période).

Actuellement, l’archipel constitue la troisième portée d’entrée en Europe pour les migrants, selon Frontex, même si l’ONG Caminando Fronteras enregistre tout de même sur cette route plus de 4 808 morts sur les cinq premiers mois de 2024. 

Pour faire face à cette situation, les îles Canaries peuvent compter sur le gouvernement espagnol, mais aussi l’Union européenne. En septembre, la Commission européenne faisait savoir qu’elle mettrait bientôt à disposition de l’Espagne une aide de 14 millions d’euros pour améliorer la capacité d’accueil des îles.

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