Emmanuel Macron soutient que le SMIC a augmenté depuis 2017 grâce à sa politique
Dernière modification : 21 février 2024
Auteur : Pascal Caillaud, chargé de recherche CNRS en droit social, Université de Nantes
Liens d’intérêts : aucun
Fonctions politiques ou similaires : aucune
Relecteur : Vincent Couronne, docteur en droit européen, enseignant à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye
Liens d’intérêts : aucun
Fonctions politiques ou similaires : aucune
Secrétariat de rédaction : Sasha Morsli Gauthier
Source : L'Humanité, 19 février 2024
Depuis 2017, le smic a bien été augmenté à 12 reprises, mais s’il atteint aujourd’hui 1 400 euros nets, il ne s’agit pas d’une politique volontariste de l’État ni de satisfaire des revendications de « l’extrême gauche », mais simplement du fait des mécanismes automatiques prévus par le Code du travail en cas d’inflation.
Interviewé par le quotidien l’Humanité à l’occasion de l’entrée au Panthéon du résistant Missak Manouchian et de 23 autres résistants communistes étrangers, le président de la République répond ainsi à une question sur les revenus des français : “Dans notre pays, les forces d’extrême gauche proposaient un smic à 1 400 euros ; nous y sommes. Depuis 2017, le smic a progressé de près de 20 %. Pendant la crise de l’inflation, les données montrent que le pouvoir d’achat des classes moyennes a été soutenu plus que dans d’autres pays. Il est donc faux de dire que ma politique serait antisociale.”
Sans trancher la question des données sur le pouvoir d’achat des classes moyennes, il est nécessaire de préciser les augmentations du smic évoquées par le président. En avril 2022, Les Surligneurs avaient déjà nuancé les propos d’Elisabeth Borne, alors ministre du Travail, qui se félicitait que le pouvoir d’achat reste la priorité gouvernementale grâce à l’augmentation du smic.
Le smic a bien augmenté à 12 reprises depuis 2017…
Le site de l’INSEE montre en effet que, depuis le 1er janvier 2017, le smic a bien été augmenté à 12 reprises, et que cette augmentation dépasse les 19%. Précisons que les 1400 euros évoqués par le Président est le smic net (1 398,69€ précisément, selon le ministère de l’Économie), mais le montant du smic fixé par les pouvoirs publics est brut, c’est-à-dire avant versement à l’URSSAF des cotisations sociales.
…Mais ce sont des revalorisations automatiques à cause de l’inflation
Créé sous le nom de SMIG par une loi en 1950 (pour salaire minimum interprofessionnel garanti), devenu SMIC en 1970 (loi du 2 janvier 1970), le salaire minimum interprofessionnel de croissance est une rémunération minimum, s’imposant à tout employeur, et dont le non-respect est puni d’une amende de 1 500 euros selon le Code du travail, l’amende étant appliquée autant de fois qu’il y a de salariés rémunérés dans des conditions illégales.
Depuis une loi adoptée en 2008, selon l’article L3231-4 du Code du travail, le smic est automatiquement revalorisé dans deux hypothèses, selon l’évolution de l’indice mensuel des prix à la consommation, calculé chaque mois par l’INSEE et publié au Journal Officiel.
Chaque année, au 1er janvier, une augmentation du smic tient compte de l’évolution annuelle de cet indice.
De plus, lorsque, en cours d’année, cet indice des prix à la consommation subit une hausse d’au moins 2% par rapport à l’indice constaté au 1er janvier de l’année, un arrêté doit relever le smic dans la même proportion le mois suivant (article L3231-5).
Il s’agit donc d’augmentations imposées par la loi et automatiques liées à l’inflation. C’est donc bien cette inflation qui a amené le smic à être augmenté de 19 % depuis 2017 et pas la politique du Gouvernement comme le prétend Emmanuel Macron.
Pas de coup de pouce depuis 2012
On rappellera que le Gouvernement peut décider d’une revalorisation supplémentaire du smic allant au-delà de ce qu’exige la loi. C’est ce qu’on appelle dans le langage courant le “coup de pouce”. Mais le dernier coup de pouce en faveur du smic a eu lieu le 1er juillet 2012 et pas depuis. En décembre 2023, le Groupe d’experts sur le smic chargé de remettre au Gouvernement et à la Commission nationale de la négociation collective un rapport analysant l’impact du smic sur l’économie française, a préconisé de ne pas procéder à une augmentation hors de la revalorisation automatique.
Augmenter le smic n’entraîne pas l’augmentation automatique des salaires
Depuis 1970, il est interdit aux partenaires sociaux d’introduire dans les accords une indexation automatique des salaires sur le smic de la même façon que, depuis 1982, est interdite l’indexation automatique des salaires sur l’inflation.
Si le smic atteint aujourd’hui 1400 euros nets, il ne s’agit pas d’une politique volontariste de l’État ni de satisfaire des revendications de « l’extrême gauche », mais simplement du fait de l’inflation et d’une loi adoptée bien avant l’arrivée d’Emmanuel Macron aux responsabilités.
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