Xavier Bertrand propose “une peine de 50 ans pour tous les détenus condamnés pour terrorisme”

Création : 5 mai 2021
Dernière modification : 22 juin 2022

Auteur : Robin Triqueneaux, master politiques de prévention et de sécurité, Sciences Po Saint-Germain-en-Laye

Relectrice : Audrey Darsonville, professeure de sciences criminelles, Université Paris-Nanterre

Source : LCI, le 25 avril 2021

Pourquoi promettre de mettre en place une peine de 50 ans quand il existe une peine de perpétuité en matière d’actes de terrorisme ? Parce qu’il existe des aménagements de peines ? Mais ils ne sont pas automatiques. En plus, si Xavier Bertrand voulait en faire créer une peine automatique de 50 ans, c’est tout bonnement impossible.

Le président de la Région Hauts-de-France, candidat déclaré à l’élection présidentielle, continue de développer son volet sécuritaire. Après la peine d’emprisonnement automatique pour tout agresseur de gendarme, pompier ou maire – qui avait déjà fait l’objet d’un surlignage – il s’attaque à la durée de la peine de prison pour fait de terrorisme en proposant “une peine de 50 ans pour tous les détenus condamnés pour terrorisme. Il apparaît cependant que cette mesure n’apporterait pas grand-chose au droit existant.

En l’état, le droit français prévoit d’ores et déjà une peine de réclusion à perpétuité, même si des aménagements existent

L’argument principal de Xavier Bertrand est en effet l’inexistence, selon lui, d’une perpétuité réelle et effective en France, d’où cette demande de peine de 50 ans de réclusion criminelle destinée à assurer la sécurité des Français face au risque terroriste. 

Or, le Code pénal de 1994 instaure une peine de “perpétuité incompressible” (article 221-3 du Code pénal), autrement dit une réclusion illimitée réservée à quatre crimes : meurtre avec viol, tortures ou acte de barbarie sur mineur de quinze ans ; meurtre en bande organisée d’une personne dépositaire de l’autorité publique (policier, magistrat…) ; assassinat d’une personne dépositaire de l’autorité publique (policier, magistrat…) ; et crime terroriste (article 421-7 du Code pénal, ajouté depuis 2016). 

L’individu reconnu coupable de faits relevant du terrorisme peut donc bien, en fonction de la gravité des faits établie par le juge, être condamné à la perpétuité réelle. À ce titre, dans le cadre des procès des attentats contre Charlie Hebdo et l’hyper casher, qui se sont tenus entre septembre et décembre 2020, la cour d’assises spéciale de Paris avait condamné à la prison à perpétuité Mohamed Belhoucine, présumé mort en Syrie et jugé en son absence.

Il est toutefois vrai que le Conseil constitutionnel, tout comme la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) imposent de maintenir un mécanisme actif d’aménagement des peines, même à très long terme, afin d’empêcher celles-ci de devenir véritablement irréversibles : l’article 720-4 du code de procédure pénal prévoit à ce titre qu’un juge d’application des peines peut décider d’un aménagement de peine après 30 ans de réclusion criminelle.  L’aménagement de peine répond à l’exigence de la CEDH d’éviter de condamner un individu sans aucun espoir de sortie. Il est donc impossible d’inscrire dans le droit français une peine de prison à vie – ou de 50 ans – sans aucune révision ou aménagement possibles. Mais le tribunal de l’application des peines peut tout à fait rejeter ces aménagements. Ainsi, la perpétuité réelle ne saurait constituer une simple fiction juridique.

Ainsi, s’il s’agit pour Xavier Bertrand de défendre une peine maximale de 50 ans de prison, il ne sera jamais assuré que le juge condamne un individu à ce maximum : la peine maximale est seulement “encourue”, c’est au juge de décider s’il l’inflige en totalité ou non. Aussi, proposer une peine maximale de 50 ans n’apporte rien au droit existant.

En revanche, si Xavier Bertrand a dans l’esprit une peine automatique de 50 ans, c’est impossible à mettre en place en France du fait d’un principe dit “d’individualisation des peines”. Selon ce principe, une fois définie la peine maximale encourue par le Code pénal, seul le juge est habilité à décider de la durée de la condamnation effective, en fonction de chaque accusé. Les peines dites automatiques sont donc interdites. Le Conseil constitutionnel a reconnu au principe d’individualisation des peines une valeur constitutionnelle en 2005. Donc, même la loi ne peut instaurer de peines automatiques, et Xavier Bertrand serait bien en peine de tenir cette promesse.

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