Xavier Bertrand estime nécessaire que le Parlement puisse “limiter les flux migratoires”
Dernière modification : 21 juin 2022
Auteur : Edoardo Crosetto, étudiant en master droit européen à l’Université de Paris-Est Créteil, sous la direction de Vincent Couronne, chercheur associé en droit européen au laboratoire VIP (Paris-Saclay)
Source : France 3, Dimanche en politique, 6 décembre 2020, 15’
Libre à Xavier Bertrand de renforcer les pouvoirs du Parlement en matière d’immigration. Mais ce n’est pas cela qui permettra de refuser l’entrée aux Européens, protégés par les traités de l’Union, ou aux autres migrants lorsqu’ils peuvent demander l’asile ou le regroupement familial. Resterait au Parlement le pouvoir de fixer les quotas de migrants économiques, qui ne représentent que 14 % des demandeurs de titre de séjour.
Xavier Bertrand, président du conseil régional des Hauts-de-France et potentiel candidat à l’élection présidentielle de 2022, a affirmé sur France 3 qu’il souhaitait soumettre à référendum sa volonté de réviser l’article 34 de la Constitution française, afin d’y introduire la disposition selon laquelle “la loi peut limiter les flux migratoires “. Cette décision permettrait selon lui de « reprendre le contrôle de l’immigration”, et donnerait “les moyens d’établir des quotas par nationalité”, dans une totale “compatibilité avec nos libertés”. Problème, cette modification n’aurait pas les effets escomptés par Xavier Bertrand.
De quoi s’agit-il ? La Constitution détermine les domaines dans lesquels le Parlement peut adopter des lois : impôts, statut des fonctionnaires, définition des crimes, et bien d’autres (voir l’article 34). Or, en matière d’immigration, le Gouvernement détient bien plus de pouvoirs que le Parlement. C’est lui par exemple qui fixe des quotas par métier, comme il l’a déjà fait en 2008. On comprend donc ici que Xavier Bertrand souhaite accorder plus de pouvoirs au Parlement dans ce domaine.
Sauf que ça ne serait pas si simple : d’abord, le Parlement ne pourrait pas limiter l’installation de ressortissants d’États de l’Union, au nom de l’interdiction de toute discrimination entre Européens (article 21 TFUE et article 27 d’une directive européenne de 2004). Il ne pourrait pas non plus imposer de quotas pour ceux qui sont éligibles à l’asile, car ils sont protégés par le droit international (article 7 Convention de Genève de 1951). La loi ne pourrait non plus limiter le regroupement familial, un droit fondamental protégé par la Constitution française depuis 1993 et par la Convention européenne des droits de l’homme (article 8).
En définitive, le pouvoir des parlementaires serait réduit à l’établissement de quotas pour l’immigration économique, essentiellement les migrants qui viennent pour rechercher ou occuper un emploi. Cela est possible depuis l’adoption du traité de Lisbonne en 2007, qui introduit une nouveauté : les États sont désormais libres de fixer des limitations à l’entrée pour les ressortissants étrangers qui recherchent un emploi sur le territoire d’un pays de l’Union. Il serait donc possible pour le Parlement d’établir de tels quotas, mais seulement pour cette catégorie de migrants.
L’intérêt d’une telle réforme serait d’autant plus limité que la recherche d’emploi (ou motif économique) est le moins invoqué parmi celles et ceux qui demandent un titre de séjour : en 2019 près de 14% de titres de séjour délivrés par le ministère de l’intérieur portaient sur ce motif, tandis que la plupart des autres motifs d’immigration étaient familiaux (près de 30 %) ou d’étude (près de 30% également).
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