Valérie Pécresse propose dans son projet de campagne de “présumer majeur tout mineur non accompagné qui refuse un test d’âge osseux”
Dernière modification : 30 septembre 2022
Autrice : Priscillia de Corson, doctorante, Université Paris-Panthéon-Assas
Source : Projet de Valérie Pécresse, p4
Créer une présomption de majorité pour les jeunes exilés refusant un test d’âge osseux ne serait pas considéré comme conforme à la Constitution, sauf à la modifier. Mais cela ne dispense pas du respect du droit international, selon lequel l’intérêt supérieur de l’enfant doit être protégé.
La promesse de Valérie Pécresse a pour objet, comme elle l’indique, “de stopper l’immigration actuelle”, en établissant une présomption de majorité pour tout jeune étranger refusant de se soumettre à un examen radiologique osseux. Cette promesse électorale ne pourra être tenue sans modifier la Constitution et revenir sur les engagements internationaux de la France.
En l’absence de documents d’état civil fiables, il est délicat de déterminer l’âge d’une personne. Aucune méthode scientifique n’y parvient de manière certaine à ce jour. Le recours aux examens radiologiques osseux, contestés du fait de leur importante marge d’erreur, est autorisé en France dans le cadre d’un faisceau d’indices, ce qui signifie qu’ils ne peuvent à eux seuls prouver l’âge, et qu’il faut les associer à d’autres indices pour en tirer une conclusion sur l’âge de la personne.
L’obstacle constitutionnel
En 2019, une décision du Conseil constitutionnel confirme la possibilité d’avoir recours à ces tests, mais renforce les garanties qui s’y attachent au nom d’une “exigence constitutionnelle de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant” (découlant des articles 10 et 11 du Préambule de la Constitution de 1946). Le Conseil souligne dans sa décision l’importance de s’assurer que “des personnes mineures ne soient pas indûment considérées comme majeures” et il exclut formellement toute présomption de majorité.
Afin de contourner ces exigences constitutionnelles, Valérie Pécresse propose de modifier la Constitution en faisant adopter par référendum une loi constitutionnelle dès son élection.
L’obstacle du droit international
Cela ne suffira pas car le principe d’intérêt supérieur de l’enfant est également ancré dans les traités internationaux ratifiés par la France (tout particulièrement l’article 3 de la Convention des Nations-Unies de 1989 relative aux droits de l’enfant) ainsi que dans la jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de l’homme). S’appuyant sur ce principe, la Cour considère que les mineurs non accompagnés relèvent de la “catégorie des personnes les plus vulnérables de la société” et précise que “la situation d’extrême vulnérabilité de l’enfant est déterminante et prédomine sur la qualité d’étranger en séjour illégal”. Il en résulte une exigence importante de protection de ces mineurs par les États.
Ajoutons qu’il ne suffit pas comme elle le propose (en page 21 de son projet) de s’affranchir de la jurisprudence européenne si elle considère que cette dernière empiète sur “l’identité constitutionnelle de la France” : une telle pratique ne serait pas reconnue par la Cour de justice si elle n’est pas dûment justifiée.
Contactée, Valérie Pécresse n’a pas répondu à nos sollicitations.
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