Valérie Pécresse promet un an de prison ferme si “on touche à un policier ou un gendarme”
Dernière modification : 27 juin 2022
Autrice : Lou Marchal, master de droit pénal, Université de Lorraine
Relecteur : Jean-Baptiste Thierry, maître de conférences en droit privé, Université de Lorraine
Source : BFM TV, 2 février 2022
Les peines planchers en tant que peines minimales appliquées automatiquement sont prohibées par le droit français en raison du principe d’individualisation des peines découlant de la Constitution. Si une peine minimale apparaît aux yeux des candidats comme une réponse forte et visible à la délinquance, elle ne peut supprimer la possibilité pour le juge d’appliquer une peine plus légère, d’autant que leur efficacité n’est pas démontrée.
Mercredi 2 février 2022, Valérie Pécresse, candidate LR à la présidentielle, a participé au “grand oral” organisé par un syndicat de police. Elle y a manifesté sa volonté de mettre en place une peine automatique d’un an de prison ferme avec incarcération “si on touche à un policier ou un gendarme” afin de “ramener l’ordre dans le pays”. Or, les peines automatiques sont en principe prohibées car il existe un principe d’individualisation des peines qui veut que le juge adapte au mieux la sanction au regard de la gravité des faits commis et de la personnalité de son auteur.
Le principe d’individualisation des peines a été reconnu comme ayant une valeur constitutionnelle par le Conseil constitutionnel en 2005. Ce principe découle du celui de nécessité des peines prévu par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
Peine minimale oui, peine automatique non
Introduites durant la présidence de Nicolas Sarkozy en 2007, les peines planchers n’ont eu qu’une courte vie puisqu’elles ont été supprimées en 2014 sous François Hollande. Elles avaient été instaurées pour les crimes et délits commis en récidive légale : il s’agissait de seuils d’emprisonnement sous lesquels le juge ne pouvait en principe pas descendre.
Toutefois, il était possible pour le juge de prononcer une peine inférieure ou une peine autre que l’emprisonnement s’il motivait spécialement sa décision, condition sine qua non pour passer le contrôle de constitutionnalité. C’est ce que soutiennent les candidats favorables au retour de ces peines : le juge statuant sur la peine aura toujours la possibilité de ne pas les appliquer si des explications suivent sa décision.
Attention toutefois, car le caractère automatique ne peut pas faire disparaître le contrôle du juge. Ce serait une atteinte au principe d’individualisation.
L’incontournable marge d’appréciation du juge, qui peut descendre en-dessous de la peine plancher
Le principe d’individualisation ne s’oppose pas non plus à l’existence d’une peine minimale, comme c’était le cas par le passé dans l’ancien Code pénal. En revanche, il impose le respect d’une marge d’appréciation du juge. Le Conseil constitutionnel, dans une décision relative à l’infraction de blanchiment douanier, a ainsi admis l’existence d’une peine minimale – et non automatique – au regard de différents critères, notamment le large choix de la juridiction dans le quantum de la peine ou la possibilité de l’assortir d’un sursis.
Il est donc tout à fait possible pour la candidate de réintroduire des peines planchers sans pour autant modifier ou transgresser la Constitution, mais elle devra abandonner l’idée d’une automaticité.
Il restera à préciser dans la loi ce que signifie “toucher” un policier
“Toucher” ne veut pas dire grand-chose : s’agit-il de violences ? physiques ? psychologiques ? d’un meurtre ? d’une rébellion ? Si tel est le cas, les peines encourues sont déjà assez hautes. Un effort important de précision restera à accomplir.
Selon l’ancien Premier ministre, Édouard Philippe, “il y a déjà des circonstances aggravantes, les peines sont déjà sévères et c’est très bien, il faut qu’elles soient appliquées”. Ainsi, avant de concrétiser son projet, Valérie Pécresse devrait peut-être s’assurer que le droit en vigueur soit tout simplement appliqué avant de le durcir. Le meurtre est par exemple puni de 30 ans de réclusion criminelle. S’il est commis sur un policier ou un gendarme la peine est aggravée, la perpétuité réelle peut même être prononcée. On est bien loin d’une peine d’un an d’emprisonnement.
Contactée, Valérie Pécresse n’a pas répondu à nos sollicitations.
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