Une charte de la laïcité des élus municipaux à Orléans, valable sauf pour la fête Jeanne d’Arc !
Dernière modification : 21 juin 2022
Auteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit à l’Université de Paris-Saclay
Source : France 3 Val de Loire, le 12 décembre 2020
Une charte par laquelle des élus municipaux s’astreignent à un strict respect de la laïcité, c’est redondant avec la Constitution, mais pas illégal en soi. En revanche, si cette charte prévoit une exception, elle est carrément contraire à la Constitution.
À côté de leur charte déontologique, adoptée comme le permet une loi du 31 mars 2015, les élus municipaux de la ville d’Orléans ont voté une “charte de la laïcité”, avec une conception sur mesure de cette laïcité, qui découle, rappelons-le, de l’article 1er de la Constitution.
Rien d’anormal a priori dans cette charte : défense et promotion de la laïcité (article 1er), attitude neutre et laïque dans l’exercice de leur mandat par les élus (art. 6), interdiction des signes religieux dans les services publics municipaux (art. 8), etc., tout cela découle déjà de la loi.
La charte se fait plus hétéroclite lorsqu’elle engage les élus à faire respecter les valeurs de la République (art. 3), mais aussi l’égalité homme/femmes (art. 1er et 4). On voit bien la contradiction entre certaines formes de pratique religieuse et les valeurs de la République ou l’égalité hommes/femmes. Mais laïcité, valeurs de la République et égalité hommes/femmes sont trois notions juridiques différentes, avec des moyens différents de les faire respecter.
Enfin, la charte se fait carrément illégale lorsqu’elle introduit une “exception” à la règle de “neutralité républicaine lors des cérémonies religieuses” (art. 7). Une commune ne peut tout simplement pas prévoir d’exception là où la Constitution elle-même (pas moins !) n’en prévoit pas. En pratique, cela signifie que les élus peuvent, en tant que tels, assister à des cérémonies religieuses, qu’il s’agisse d’enterrements de personnalités (une pensée pour Johnny…), ou de fêtes religieuses relevant d’une tradition locale. C’est assurément le cas des fêtes johanniques, qui célèbrent une héroïne affublée d’un sobriquet bien démodé : la “pucelle d’Orléans” a permis de lever le siège d’Orléans imposé par les Anglais en 1429, en communiquant sa foi aux soldats orléanais.
Reste qu’assister à des célébrations religieuses, les reconnaître comme faisant partie du patrimoine traditionnel, ne signifie pas pratiquer la religion. Un élu qui communie, prie, se prosterne, ou encore participe à une procession, en tant qu’élu et en portant l’écharpe tricolore ou tout autre insigne républicain, enfreint le principe constitutionnel de laïcité.
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