Un député peut-il installer une crèche de Noël dans sa permanence ?
Republication d’un article du 5 décembre 2023
Auteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay
Relecteur : Bertrand-Léo Combrade, professeur de droit public, Université de Poitiers
Secrétariat de rédaction : Guillaume Baticle
Le thème revient à chaque fin d’année. En décembre dernier, le député (LFI) Adrien Quatennens a accusé le député (RN) Christophe Barthès, qui a installé une crèche dans sa permanence, de ne pas respecter la laïcité. Mais qu’en est-il vraiment ?
LES DÉPUTÉS NE SONT PAS SOUMIS AU PRINCIPE DE LAÏCITÉ
Nous avions déjà eu l’occasion d’évoquer le sujet, à propos d’une demande de députés LR tendant à exiger le port de la cravate au sein de l’hémicycle. Le principe de neutralité politique et religieuse ne s’applique pas aux élus car ils ne sont pas des agents publics (Conseil constitutionnel, décision du 21 février 2013). La seule réserve tient à une auto-discipline que s’est imposée l’Assemblée à travers une “Instruction générale du Bureau” dont l’article 9 prévoit : “La tenue vestimentaire ne saurait être (…) le prétexte à la manifestation de l’expression d’une quelconque opinion : est ainsi notamment prohibé le port de tout signe religieux ostensible, d’un uniforme, de logos ou messages commerciaux ou de slogans de nature politique”. Il est donc loin le temps où l’Abbé Pierre siégeait en soutane et où Philippe Grenier portait un habit traditionnel musulman à l’Assemblée. Mais cette instruction ne vaut qu’à l’intérieur de l’hémicycle.
LA PERMANENCE D’UN DÉPUTÉ N’EST PAS UN SERVICE PUBLIC
Lorsqu’un député choisit un lieu pour y établir sa permanence dans sa circonscription, il le loue en général, et noue alors un contrat de bail civil des plus classiques. Lorsqu’il y exerce sa fonction de député, il ne remplit aucune mission de service public : il représente la Nation, et sa fonction est donc politique. Les assistants parlementaires, qui reçoivent les électeurs, sont certes rémunérés par le député sur des fonds publics, mais ils ne sont pas non plus considérés comme étant en charge d’une mission de service public.
D’ailleurs, indépendamment de sa fonction politique en tant que représentant de la nation, le député représente aussi un parti politique. Or, les partis politiques, selon la Constitution (article 4), “concourent à l’expression du suffrage (…) Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie”. Là encore, pas de principe de laïcité, car les partis politiques ne sont pas investis d’une mission de service public selon le juge (Cour de cassation, 27 janv. 2017).
À l’inverse, si les députés étaient considérés comme exerçant une mission de service public dans leur circonscription, le respect du principe de laïcité se serait imposé au sein de leur permanence. En somme, il est faux d’affirmer qu’une crèche n’a pas sa place dans une permanence de député.
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