European Union, CC BY 4.0

Ukraine : Ursula von der Leyen a t-elle pris 300 millions d’euros dans “la poche de tous les Français” ?

Création : 6 mai 2024
Dernière modification : 13 mai 2024

Auteurs : Nicolas Kirilowits, journaliste 

Antoine Mauvy, étudiant en droit à Paris II Panthéon-Assas

Relecteur : Etienne Merle, journaliste 

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Antoine Mauvy

Source : Compte Facebook, 24 avril 2024

Selon Olivier Rouhaut, ancien gilet jaune et figure tonitruante des réseaux sociaux, Ursula Von Der Leyen a “ressorti le chéquier” pour aider l’Ukraine. “300 millions d’euros” auraient ainsi été pris “dans la poche de tous les Français”. Une vision un peu simpliste.

C’est la faute de Bruxelles ! Une fois encore ? Bruxelles, sa bureaucratie, ses fonctionnaires et ses normes entravantes. Le refrain résonne en chœur chez les eurosceptiques, à l’approche des élections européennes.

Dans une vidéo postée le 24 avril 2024, Olivier Rouhaut, figure du mouvement des Gilets jaune, attire l’attention des internautes sur une aide versée à l’Ukraine par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et qu’il présente comme cachée aux Français. La raison ? Les élections qui arrivent : “Mais ne vous inquiétez pas ! Les médias ne vont pas en parler. Pourquoi ? Parce que le 9 juin, ce sont les élections européennes. Donc il ne faut pas faire cette mauvaise publicité“, argue-t-il. Sur son Facebook “Oliv Oliv la page”, la séquence connaît un succès certain : 35 000 vues en quelques jours.

Il y accuse l’ancienne ministre allemande d’avoir signé un chèque pour aider l’Ukraine. 1,5 milliard d’euros aurait ainsi été versé, et plus grave, selon l’internaute, la France aurait participé à hauteur de 300 millions d’euros. Fervent défenseur du Frexit, il est scandalisé : “l’Europe nous appauvrit et est en train de couler la France”. Ici, vrais éléments et fausses informations se mélangent, faisons le point.

Un processus démocratique et transparent 

Tout d’abord, le vrai. Il est juste d’affirmer, comme le fait Olivier Rouhaut, qu’une aide d’1,5 milliard d’euros a été versée à l’Ukraine le 24 avril dernier. Ce soutien financier, appelé “financement-relais” dans le jargon européen, s’inscrit dans la cadre d’un outil plus large entré en vigueur le 1ᵉʳ mars dernier : la “Facilité pour l’Ukraine”. Cette dernière doit permettre, selon un communiqué de presse de la Commission européenne, “de soutenir le redressement, la reconstruction et la modernisation de l’Ukraine pour la période 2024-2027″. Jusqu’en 2027, ce sont ainsi jusqu’à 50 milliards d’euros que l’Union européenne pourra mobiliser pour épauler l’Ukraine.

Toutefois, contrairement à ce que sous-entend l’ancien gilet jaune, Ursula von der Leyen n’a pas pris seule, depuis son bureau bruxellois, la décision d’autoriser cette aide. En réalité, bien que complexe, c’est à travers un processus démocratique et transparent que la Commission européenne a permis cette action.

Présenté au mois de juin 2023, le plan “Facilité pour l’Ukraine”, a été adopté notamment par les États membres (présidents et chefs de gouvernement) réunis en Conseil européen le 1ᵉʳ février dernier, mais aussi, et surtout, par le Parlement européen plus de trois semaines plus tard, le 27 février.

À Strasbourg, ce ne sont pas moins de 536 députés européens qui se sont prononcés en faveur du plan, contre seulement 40 qui s’y sont opposés et 39 abstenus. Pour les plus passionnés, vous pouvez trouver la liste détaillée des votants. Comme volonté dictatoriale, on a déjà observé des méthodes plus sévères…

Contacté par mail, Olivier Rouhaut reconnait que “malheureusement cette décision a été prise de manière démocratique, car elle a été votée par le Parlement européen” mais fustige malgré tout le fonctionnement de l’institution : “D’ailleurs pour ça que je veux sortir de l’Union européenne pour que la France retrouve sa souveraineté“, indique-t-il.

Emprunter n’est pas voler

Toutefois, une question demeure : l’Europe a-t-elle pris “300 millions d’euros de la poche de tous les Français” comme il l’assure ? Une fois encore, l’affirmation ne résiste pas à la réalité des faits : “ça n’a pas coûté un seul euro à la France”, explique aux Surligneurs Eulalia Rubio, chercheuse pour l’Institut Jacques Delors.

En effet, le “financement-relais” accordé à l’Ukraine fait partie de la branche “prêt” (33 milliards d’euros) de ladite “Facilité pour l’Ukraine”. Ainsi, comme le détaille le règlement de cet outil à son article 25, “la Commission peut décider d’apporter à l’Ukraine un soutien exceptionnel limité sous la forme de prêts pendant une période maximale de six mois à compter du 1ᵉʳ janvier 2024″.

Contrairement à ce que semble croire Olivier Rouhaut, qui affirme auprès des Surligneurs que “depuis toujours, la participation de la France est de 20 %”, la Commission européenne n’engage pas de l’argent du budget européen – auquel participait en 2023 la France à hauteur de 18,5 % – mais emprunte la somme sur les marchés.

L’article 22 du règlement sus-cité autorise d’ailleurs l’institution à le faire : “Afin de financer le soutien accordé au titre de la facilité sous la forme de prêts, la Commission est habilitée, au nom de l’Union, à emprunter les fonds nécessaires sur les marchés des capitaux ou auprès d’établissements financiers”, est-il écrit.

Dans le cas présent, rappelle Eulalia Rubio, le financement-relais “est soumis au respect de certaines conditions politiques et d’exigences en matière de contrôle budgétaire afin de garantir une utilisation transparente et efficace des fonds”.

Si chacun est libre d’approuver ou non la distribution de cette aide, il n’en reste pas moins utile, à quelques semaines des élections européennes, de s’appuyer sur des éléments factuels pour se faire son opinion.

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