Thomas Cazenave tête de liste LREM à Bordeaux : “je souhaite que d’ici à 2026 toutes les livraisons s’effectuent avec des véhicules 100% propres”

Création : 14 février 2020
Dernière modification : 20 juin 2022

Auteur : Thomas Destailleur, docteur en droit public

Source : 20 minutes, 24 janvier 2020

Un maire ne peut interdire certains types de véhicules par simple idéologie ou idéal écologique. D’abord, il est soumis aux contraintes européennes, et ne pourra pas interdire les véhicules répondant aux normes UE en termes d’émissions polluantes (Euro 6). Ensuite, l’interdiction devra être proportionnée aux dangers existants ou encourus, comme l’exigent les textes. Sous ces réserves, sa promesse est tenable.

La campagne pour les élections municipales est marquée depuis quelques semaines par les nombreuses propositions « vertes » plus ou moins sérieuses des têtes de liste. L’affirmation de Thomas Cazenave est un savant mélange de clarté et d’imprécision. Sa proposition est tenable sous quelques conditions importantes.

Dans toutes les agglomérations de plus 250 000 habitants, ou dans les zones dont la concentration dans l’air d’une substance polluante (tel le dioxyde d’azote) dépasse une valeur limite, un plan de protection de l’atmosphère doit être adopté par le préfet. Ce plan fixe des objectifs de réduction de la pollution atmosphérique. Il est indispensable pour permettre ensuite au Maire d’instaurer par un arrêté des zones à faibles émissions (ZFE) par lesquelles il restreint et/ou interdit la circulation de certaines catégories de véhicules en se fondant sur les vignettes Crit’Air. Plusieurs communes ont adopté des ZFE. A Paris, les poids lourds diesel en circulation avant le 1er octobre 2009 ne peuvent déjà plus rouler. Bien qu’un plan de protection de l’atmosphère existe à Bordeaux, il n’existe pas pour l’instant de ZFE. Rien ne s’oppose en conséquence à ce que Thomas Cazenave pallie cette absence s’il est élu.

Toutefois, le droit français (article 4 de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen) et le droit de l’Union européenne garantissent aux transporteurs le droit de transiter au sein de l’Union européenne (l’article 26 § 2 TFUE) et d’assurer des livraisons. Cette liberté n’est pas absolue et peut faire l’objet de limitations justifiées par la poursuite d’objectifs d’intérêt général, comme on l’a vu avec les produits phytopharmaceutiques (point 10 de la décision récente du Conseil constitutionnel). Tout l’enjeu est alors de trouver un équilibre entre ces libertés et l’objectif de protection de l’environnement et de la santé. Parfois, cet équilibre est défini par les textes. Par exemple, tous les véhicules particuliers/utilitaires légers et les véhicules utilitaires lourds respectant les normes d’émission Euro 6 peuvent circuler librement dans l’Union européenne. Aucune restriction ne peut leur être imposée (point 59 de la décision “Ville de Paris contre Commission” du Tribunal de l’Union européenne). Et quand des restrictions sont imposées, elles doivent être proportionnées. Ainsi, pour réduire les émissions polluantes de 1,5% sur l’autoroute A12, l’Autriche a interdit la circulation aux poids lourds de plus de 7,5 tonnes transportant des déchets, cailloux, et rondins. Or elle aurait dû vérifier si des mesures moins restrictives telle qu’une limitation générale de vitesse pouvait parvenir au même résultat, faute de quoi elle a été condamnée (point 148 de la décision “Commission contre Autriche”).

Résultat, un maire peut bien décider de rendre une zone piétonne et d’interdire la circulation de certaines catégories de véhicules (ex. les poids lourds) sur son territoire pour fluidifier le trafic. En revanche, sa marge de manœuvre est plus étroite lorsqu’il entend limiter ou interdire certaines catégories de véhicules pour des motifs liés à leur nature et à leur fonctionnement (motorisation électrique, hybride ou essence). Thomas Cazenave ne pourra pas interdire les livraisons réalisées par des véhicules respectant les normes d’émission Euro 6. Pour les autres véhicules, il devra démontrer, étude d’impact à l’appui, leur part dans la concentration des émissions polluantes dans Bordeaux et les effets attendus par l’interdiction.

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