Selon Rachida Dati (LR), le délit de séjour irrégulier n’existe plus
Dernière modification : 21 juin 2022
Auteur : Cyril Engel, élève du Collège de droit de Paris Saclay, sous la direction de Tania Racho Docteure en droit public, Université Panthéon-Assas, Paris II
Source : Rachida Dati face à Jean-Jacques Bourdin sur RMC via YouTube, le 24 novembre 2020, 5’35”
La France a bien supprimé du code pénal le délit de séjour irrégulier des étrangers, mais seulement des étrangers qui sont sous le coup d’une mesure d’éloignement (ordre de quitter le territoire). L’entrée irrégulière sur le territoire français est toujours un délit.
À la suite de l’évacuation par la police d’un campement de migrants sur la place de la République le lundi 23 novembre, Jean-Jacques Bourdin a demandé à Rachida Dati (maire du 7ème arrondissement de Paris, LR) si cela l’avait choquée, ce à quoi elle répondit “évidemment que les images sont choquantes”, avant d’en conclure que la première nécessité pour que cela ne se reproduise plus est de “rétablir le délit de séjour irrégulier”.
Les propos de l’ancienne ministre de la Justice ne sont pas totalement faux puisqu’une loi de 2012 a effectivement supprimé le délit de séjour irrégulier du code d’entrée de séjour et du droit d’asile. Mais s’il n’existe pas de délit de “séjour irrégulier”, il existe un délit pour l’entrée irrégulière en France, assorti d’une peine d’un an d’emprisonnement et d’une amende de 3750 euros. Nous avons déjà eu l’occasion de le rappeler en surlignant Eric Ciotti ou Eric Zemmour.
La loi de 2012 fait suite à la directive retour adoptée en 2008 par l’Union européenne, qui a pour objectif d’organiser l’expulsion des personnes en situation irrégulière. La Cour de justice de l’Union européenne avait jugé avant même cette directive qu’un État membre ne doit pas appliquer de sanction pénale à un étranger en situation irrégulière, sans l’avoir auparavant mis en demeure de quitter le territoire (décision Achughbadian, 6 décembre 2011). Il a donc fallu adapter la législation française.
Pour autant, la directive retour n’interdit pas la mise en œuvre de mesures coercitives proportionnés (article 8) dans le but de faire appliquer des mesures d’éloignement à un étranger qui s’y soustrait. Ces mesures coercitives peuvent être notamment la retenue pour vérification du droit au séjour, ou encore la rétention pour une durée de 48 heures dans un centre de détention administrative.
L’étranger qui fait l’objet de mesure d’éloignement devra donc quitter volontairement le territoire, et s’il refuse l’administration pourra recourir à l’exécution forcée de l’acte notamment par la police (décision rendue par le Tribunal des conflits). En cas de refus violent, cela pourra être qualifié de rébellion, délit puni de deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende.
Enfin, et en tout état de cause, l’article L 621-2 du code d’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile punit toujours l’entrée irrégulière sur le territoire, qui peut au besoin donner lieu à une garde à vue avant expulsion (Cour de cassation 9 novembre 2016 et 13 juin 2019).
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