Selon Mgr Éric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France, “le secret de la confession est plus fort que les lois de la République”
Dernière modification : 24 juin 2022
Auteur : Alex Yousfi, juriste spécialisé en droit privé
Relecteur : Maître Emmanuel Daoud, avocat à la cour spécialisé en droit pénal
Source : Franceinfo, 6 octobre 2021
Selon la loi de 1905, “la République ne reconnaît […] aucun culte”. En réalité, ce sont les lois de la République qui protègent le secret de la confession comme tout secret professionnel, et ce sont les mêmes lois de la République qui obligent à dénoncer les crimes de pédocriminalité. L’un ne va pas sans l’autre.
Le rapport accablant de la Commission indépendante sur les abus sexuels de l’Église évalue à 216 000 le nombre des victimes mineures agressées sexuellement, depuis 1950, par des membres du clergé. Alors que certains souhaitent une réforme profonde de l’Église pour en finir avec le système de l’omerta et que le pape François fait part de son “immense chagrin”, le président de la Conférence des évêques de France, Mgr Éric de Moulins-Beaufort a déclaré que “le secret de la confession est plus fort que les lois de la République”.
Sans aller jusqu’à imaginer un “séparatisme épiscopal” dans ces propos, Les Surligneurs doivent rappeler que dans un Etat laïc la loi canonique ne s’impose aucunement aux lois de la République, tout simplement parce que selon la loi de 1905 concernant la séparation de l’Église et de l’État, “la République ne reconnaît […] aucun culte”.
Le secret de la confession est en effet protégé, mais par les lois de la République…
En droit canonique (c’est-à-dire les règles juridiques gouvernant l’Église catholique), le secret confessionnel est un droit inviolable et absolu dont la violation est punie par l’excommunication. Ce secret découle de l’article 983 §1 du Code canonique : “Le secret sacramentel est inviolable ; c’est pourquoi il est absolument interdit au confesseur de trahir en quoi que ce soit un pénitent, par des paroles ou d’une autre manière, et pour quelque cause que ce soit”.
Mais le droit canon ne s’impose pas au droit français.
Cela signifie qu’il faut inverser la perspective : le secret de la confession est bien protégé au même titre par exemple que le secret médical, mais en vertu du droit français : ce sont bien les lois de la République qui protègent toutes les informations secrètes obtenues dans le cadre de la confession, et qui interdisent leur révélation par le confesseur (article 226-13 du Code pénal). Pour le dire autrement, le secret professionnel dont bénéficient confesseur et confessé ne repose pas sur le droit canon, mais sur le droit français.
… lesquelles obligent à dénoncer les actes de pédocriminalité
La révélation d’une information couverte par le secret professionnel n’est pas punissable pour “celui qui informe les autorités […] de privations ou de sévices, y compris lorsqu’il s’agit d’atteintes ou de mutilations sexuelles, dont il a eu connaissance et qui ont été infligées à un mineur” (article 226-14 du Code pénal). En d’autres termes, le secret professionnel doit céder lorsqu’il s’agit de dénoncer des actes de pédocriminalité. La vulnérabilité de l’enfant victime est un intérêt protégé par la loi, bien supérieur à celui du secret.
Enfin, il existe aussi une obligation de signaler aux autorités l’existence de violences sexuelles. “Le fait, pour quiconque ayant connaissance de privations, de mauvais traitements ou d’agressions ou d’atteintes sexuelles infligés à un mineur […] de ne pas en informer les autorités […] ou de continuer à ne pas informer ces autorités tant que ces infractions n’ont pas cessé est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende” (article 434-3 du Code pénal). Le “quiconque” inclut les ministres du culte, quoiqu’en dise Mgr Éric de Moulins-Beaufort.
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