Selon l’avocat Pierre Gentillet, il est possible de modifier la Constitution par l’article 11
Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public
Relecteurs : Sacha Sydoryk, maître de conférences en droit public à l’Université de Picardie Jules Verne
Bertrand-Léo Combrade, professeur de droit public à l’Université de Poitiers
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction: Aya Serragui
Source : Compte X de Pierre Gentillet, 23 avril 2024
Ce n’est pas parce que de Gaulle avait révisé la Constitution par l’article 11 en 1962 que cette procédure est valide. Le Conseil constitutionnel pourra s’y opposer en annulant le décret de convocation du référendum, et le Président de la République ne pourra pas s’opposer au juge.
Un débat aussi vieux que la Vème République. Sur son compte X, l’avocat Pierre Gentillet a réagi aux propos de Laurent Fabius. Le Président du Conseil constitutionnel rappelait qu’organiser un référendum sur l’immigration n’était pas conforme aux conditions fixées par l’article 11 de la Constitution car l’immigration n’était pas dans le champ des domaines permis. Article 11 qui ne sert pas non plus à réviser la Constitution. L’avocat propose une interprétation inverse de l’article 11 et du rôle du Conseil constitutionnel que celle présentée par Laurent Fabius, qui doit être nuancée.
La révision de la Constitution par référendum en 1962
L’avocat commence son raisonnement en s’appuyant sur le précédent de 1962. Le général de Gaulle, alors Président de la République, a fait réviser la Constitution en passant par le référendum de l’article 11. Cette révision n’est pas conforme à la Constitution puisque celle-ci ne peut être révisée qu’en passant par l’article 89. Pour rappel, l’article 11 de la Constitution permet d’adopter une loi ordinaire, c’est-à-dire non constitutionnelle, par la voie du référendum, et non par le Parlement.
Certes, le Conseil constitutionnel s’était à l’époque déclaré incompétent pour contrôler la constitutionnalité de cette loi adoptée par référendum. Pour autant, le Conseil constitutionnel n’est pas tenu par la règle du précédent. Pour le dire autrement, il est libre de faire évoluer sa jurisprudence comme il l’entend, tant qu’il respecte les textes. De plus, l’absence de contrôle de la violation de la règle n’équivaut pas à une absence de règle.
L’annulation du décret de convocation du référendum par le Conseil
Ainsi que l’avocat le mentionne, le Conseil constitutionnel s’est déclaré compétent, dans une décision Hauchemaille du 25 juillet 2000 (et non celle du 14 mars 2001) pour contrôler les actes préparatoires du référendum, et donc le décret de convocation qui appelle les citoyens aux urnes. Le Conseil, en interprétant une loi organique de 1958 et l’article 60 de la Constitution, s’est estimé compétent pour annuler ce décret, et donc potentiellement la tenue d’un référendum s’il l’estime contraire à la Constitution.
Selon l’interprétation de cet avocat, le Conseil ne serait pas compétent pour contrôler le décret de convocation car l’article 11 de la Constitution ne lui donne pas explicitement ce pouvoir. C’est une lecture personnelle très restrictive du droit positif, qui ne semble pas partagée par le Président du Conseil constitutionnel lui-même, lequel considère au contraire que le Conseil a la faculté de contrôler ce décret. Le Conseil contrôle ce décret de convocation car sa légalité conditionne la validité du référendum. Et c’est par le contrôle du décret de convocation, et donc de « la régularité des opérations de référendum« , que le Conseil se considère compétent pour contrôler la constitutionnalité du référendum.
Un Président qui ne respecterait pas une décision du Conseil constitutionnel ?
Pierre Gentillet conclut en affirmant qu’il reviendrait au Président de la République de passer outre la décision du Conseil qui annulerait le décret de convocation du référendum en se fondant sur l’article 5 selon lequel « le Président de la République veille au respect de la Constitution« . Là encore, une autre lecture est possible : l’article 5 de la Constitution n’autorise nullement le Président de la République à méconnaître une décision rendue par le Conseil constitutionnel qui n’est susceptible d’aucun recours d’après l’article 62.
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