Crédit : Le vent se lève (CC BY 3.0)

Selon la journaliste Salomé Saqué, la promotion du livre de Jordan Bardella dans les gares va à l’encontre de la neutralité du service public

Création : 24 octobre 2024
Dernière modification : 28 octobre 2024

Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public à l’Université de Poitiers

Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste

Source : Compte LinkedIn, le 21 octobre 2024

Les gares étant des lieux de service public, elles sont soumises au principe de neutralité, et la SNCF peut y exercer une police de la moralité en cas de contenus choquants sur les affiches publicitaires. En l’occurrence, une affiche annonçant la parution d’un ouvrage semble difficilement pouvoir porter atteinte à la neutralité ou à la moralité publique. Mais il est vrai que personne n’a encore vu l’affiche…

Polémique à la SNCF ! Jordan Bardella, président du Rassemblement national, sort un livre, à paraitre en fin d’année. Comme bien des ouvrages en cours de parution, il est mis en avant sur des panneaux publicitaires, y compris sur ceux dans les gares ferroviaires.

La journaliste Salomé Saqué dénonce cette publicité dans les gares « en dépit du devoir de neutralité du service public ». Qu’en est-il en droit ? Les gares sont-elles soumises à un principe de neutralité ?

Le principe de neutralité du service public s’applique aux gares

Selon le Code des transports, la Société nationale des chemins de fer « remplit des missions de service public dans le domaine du transport ferroviaire et de la mobilité ».

La loi est claire sur ce point, le transport ferroviaire est un service public. Les gares sont gérées par le groupe SNCF Réseau, filiale du groupe SNCF. La loi précise que toutes les filiales du groupe SNCF sont en charge de ce service public.

Dès lors, les gares sont des lieux soumis aux règles du service public que sont entre autres l’égalité, la laïcité et la neutralité. La loi dite « séparatisme » de 2021 précise dans son premier article que les organismes chargés d’un service public doivent « veiller au respect des principes de laïcité et de neutralité du service public ».

Il existe des précédents relatifs à la publicité politique dans les gares. En début d’année, les affiches du spectacle de l’humoriste Waly Dia ont été retirées des panneaux du métro parisien.

La régie publicitaire de la RATP et de la SNCF, Mediatransports, estimait que ces affiches allaient à l’encontre du principe de neutralité, car de nombreux messages politiques y figuraient.

Reste qu’une publicité d’ouvrage, même émanant d’une personnalité politique, ne peut en soi être considérée comme un message politique qui serait de ce fait interdit sur le domaine public.

Il y a fort peu de chances que l’affiche comporte un message politique, et le fait que l’auteur soit une personnalité politique ne transforme pas l’affiche pour son livre en message politique.

Ainsi, si chacun est libre de critiquer ou de vanter la décision de Mediatransports, le droit est clair : le principe de neutralité n’est pas ici affecté, sous réserve que l’affiche ne contienne pas de messages politiques.

Pas d’atteinte à la neutralité et à la moralité publique, pas d’interdiction

Une autre piste pour contester l’affiche de l’ouvrage de Jordan Bardella serait l’atteinte à l’ordre public, plus précisément à la moralité publique, composante de l’ordre public. La RATP, comme la SNCF, est en charge de la police du domaine public dont elle a la responsabilité.

Là encore, il existe des précédents. En 2015, c’est l’affiche du spectacle de Patrick Timsit qui n’est pas passée sur les panneaux publicitaires de JCDecaux : on y voyait un dessin représentant l’humoriste tenant un obus dans ses bras.

Un dessin provocateur et non illégal en soi, mais qui pouvait assurément heurter « la sensibilité de personnes déjà éprouvées par les événements tragiques de la semaine dernière » selon la société JCDecaux, une semaine après les attentats des 7 et 9 janvier de la même année.

À partir du moment où l’affiche du livre, qui n’a pas encore été dévoilée, ne porte pas de slogan politique ni d’atteinte à la moralité en risquant de choquer les voyageurs, elle pourra figurer sur les panneaux publicitaires.

Pour l’heure, aucune décision de retrait n’a été prise par la régie publicitaire. Si les affiches sont retirées, et selon leur contenu, l’éditeur pourra attaquer la décision devant le juge qui tranchera.

 

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