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Sanctions européennes contre la Russie : où en est-on ?

Le drapeau ukrainien, flottant aux côtés des drapeaux de l'UE et des pays membres, devant le Parlement européen. Photo : Lukas S sur Unsplash
Création : 8 décembre 2025

Auteur : Jan Dunin-Wasowicz, avocat aux barreaux de Paris et de New York

Relectrice : Nelly Pailleux, directrice des opérations

Cet article a été initialement publié le 1 décembre 2025 dans la newsletter de notre partenaire What’s up EU.

Le 23 octobre 2025, le Conseil de l’UE a adopté un dix-neuvième train de sanctions à l’encontre de la Russie ainsi que des mesures analogues concernant la Biélorussie. Quelles sont les principaux enseignements de ce paquet près de quatre ans après le début de la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine ?

Un vaste train de mesures avec un accent particulier sur la flotte fantôme

Annoncé en août 2025, le 19ème paquet vise à accroitre la pression sur l’économie de guerre russe. Il cible les secteurs clés alimentant cette guerre, notamment ceux de l’énergie, de la finance, ainsi que la base industrielle militaire. Parmi ces mesures, le 19ème paquet englobe :

– Energie : interdiction d’importation de gaz naturel liquéfié (GNL) russe dans l’UE, renforcement des restrictions concernant Rosneft et Gazprom Neft, la flotte fantôme pétrolière et des pourvoyeurs de revenus issus de l’énergie.

– Finance : ajout de cinq nouvelles banques russes à la liste des entités visées par l’interdiction de transactions, interdiction d’utiliser les systèmes russes de carte de paiement et de paiement rapide (Mir et SBP), restrictions visant les cryptoactifs, notamment le stablecoin A7A5, et les entités actives dans creatines zones économiques spéciales russes.

– Complexe militaro-industriel : désignation des personnes et d’entités faisant partie du complexe militaro-industriel russe, ainsi que d’opérateurs qui produisent des biens militaires et à double usage ou en fournissent à la Russie, nouveaux biens soumis à l’interdiction à l’exportation.

Élément essentiel de l’économie de guerre et de la stratégie de contournement des sanctions, la flotte fantôme russe présente désormais des risques pour l’UE sur le plan de la guerre hybride.

– Depuis les deux derniers paquets de sanctions en particulier, l’accent est mis sur la répression de cette flotte et des services associés. Avec le 19ème paquet, 117 navires supplémentaires sont visés par l’interdiction d’accès aux ports et de bénéficier de services liés au transport maritime.

– Ce paquet cible également la chaîne de valeur de la flotte fantôme, en désignant une filiale de Lukoil, basée aux Émirats arabes unis et qui constitue une composante essentielle de sa flotte fantôme, ainsi que des registres maritimes de faux pavillons enregistrés au Texas et au Royaume-Uni attribués à des navires de cette flotte.

Un impact sur les pays-tiers

Indépendamment de ces mesures, depuis 2022, l’UE s’est dotée de nombreux instruments juridiques pour étendre la portée des sanctions.

Le 19ème paquet inclut plusieurs personnes et entités ciblées par les sanctions et basées hors de Russie, notamment des raffineries chinoises, des banques biélorusses, des négociants de pétrole hong-kongais et émiratis, un émetteur de stablecoins basé au Kirghizstan, ou encore des entreprises chinoises, thaïlandaises ou indiennes qui soutiennent le complexe militaro-industriel russe.

Le Conseil a par ailleurs désormais la possibilité de cibler des ports dans des pays tiers.

Une coordination avec les États-Unis incertaine  

L’administration Trump a été extrêmement imprévisible en matière de sanctions à l’encontre de la Russie. Ayant parfois suggéré que les mesures introduites par la présidence Biden resteraient en place, elle a aussi annoncé qu’elles pourraient être assouplies ou levées avant d’avoir recours aux droits de douane, notamment à l’encontre de l’Inde, pour l’inciter à réduire ses achats d’hydrocarbures russes.

La veille de l’adoption du 19ème paquet, l’OFAC (Office of Foreign Assets Control) a annoncé des sanctions américaines contre Rosneft et Lukoil ainsi que d’autres entreprises associées, constatant un manque d’engagement sérieux envers un processus de paix visant à mettre fin à la guerre en Ukraine. L’UE aura adopté trois trains de sanctions en 2025 (16-18èmes) avant de voir une action conjointe avec les États-Unis.

Fin novembre, à la grande surprise des Européennes, les États-Unis ont présenté un plan de paix prévoyant un allègement des sanctions et une répartition des avoirs russes immobilisés dans des fonds destinés à la reconstruction de l’Ukraine dont une partie des profits iraient aux États-Unis.

L’impression de coordination renouvelée autour du 19ème paquet pourrait uniquement faire figure d’exception. Toutefois, une déclaration commune des ministres des affaires étrangères du G7 du 12 novembre 2025 souligne un engagement de renforcer la coordination du G7 en matière de sanctions.

Une politique qui s’inscrit dans la durée tout en répondant à ces besoins immédiats

Comme le note la décision du Conseil de l’UE du 21 mai 2024, les mesures liées à la gestion des avoirs et des réserves de la Banque centrale de Russie devraient rester en vigueur « jusqu’à ce que la Russie mette fin à sa guerre d’agression contre l’Ukraine et indemnise l’Ukraine pour les dommages causés par cette guerre ».

Les discussions concernant le Prêt de Réparations qui serait financé par les avoirs russes immobilisés au sein de l’UE n’ont pour l’instant pas encore abouti. Le Conseil européen des 18 et 19 de décembre 2025 reviendra sur la question, d’autant que la proposition américaine pourrait affaiblir le levier que représente ces avoirs pour l’UE

Cependant, les attaques de la Russie ne cessant pas, l’UE continuera sans doute accroitre la pression sur la Russie. Cela a été confirmé par la Haute Représente le 26 novembre en marge d’une réunion informelle des ministres des Affaires étrangères de l’UE. Ainsi, parallèlement aux discussions sur le Prêt de Réparations, alors que la présidence danoise du Conseil de l’UE entre dans ses dernières semaines, un 20ème train de sanctions serait déjà en préparation.

S’il est adopté avant la fin de l’année, il serait le 5ème d’une année singulière. En outre, la lutte contre le contournement des sanctions de l’UE, le financement et la facilitation de l’effort de guerre russe par des acteurs tiers demeureront une des priorités.

La rédaction n’a pas pris part à l’écriture de cet article, rédigé dans le cadre de notre partenariat avec What’s up EU.

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