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Mairie de Saint-Denis. Crédit : Lionel Allorge - CC BY-SA 3.0 (Photo modifiée)

Saint-Denis : un drapeau palestinien pouvait-il être accroché sur la mairie ?

Création : 16 juin 2025

Auteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, université Paris-Saclay

Relecteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public, université de Poitiers

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste

Source : Compte X de la Ville de Saint-Denis, le 13 juin 2025

En soutien à la cause palestinienne, la mairie de Saint-Denis a hissé un drapeau palestinien sur son fronton. Une initiative politique qui n’a pas tardé à faire réagir la préfecture, au nom du principe de neutralité des services publics. Entre action politique et règles juridiques, cette action est à n’en pas douter illégale.

La saga des drapeaux continue ! Le vendredi 13 juin, à l’occasion du « week-end mondial de mobilisations pour la Palestine », la Ville de Saint-Denis a choisi de pavoiser sa mairie d’un drapeau palestinien aux côtés des drapeaux français et européen. Une décision assumée par le maire (PS) Mathieu Hanotin, qui a repartagé une vidéo de la scène sur les réseaux sociaux.

Mais dès le 15 juin, la préfecture de Seine-Saint-Denis réagit. Invoquant « le principe de neutralité des services publics », elle indique que le préfet va adresser un courrier au maire pour lui demander de retirer le drapeau.

Un principe de neutralité des services publics

Sur le plan juridique, le préfet ne fait qu’appliquer la Constitution. En vertu du principe constitutionnel de neutralité des services publics, les bâtiments publics, et notamment les mairies, ne peuvent être utilisés pour exprimer un message politique, quel qu’il soit. Or, le drapeau palestinien — comme le drapeau israélien à Nice ou tout autre symbole d’une cause politique — entre dans cette catégorie.

La jurisprudence est constante : qu’il s’agisse d’un drapeau indépendantiste, d’un gilet jaune accroché à une façade communale ou d’une banderole en soutien aux grèves contre la réforme des retraites, les juges administratifs, s’ils sont saisis, ont toujours rappelé l’interdiction d’instrumentaliser les édifices publics à des fins partisanes.

Une blitz-illégalité…

La mairie de Saint-Denis affirme qu’il s’agit d’un pavoisement temporaire (le temps du « week-end mondial de mobilisations pour la Palestine »,  selon le communiqué de la Ville). Cela n’a aucune incidence en droit, l’illégalité n’étant pas liée à la durée mais au drapeau-même.

Mais cette courte durée aura pour avantage de court-circuiter le préfet : s’il saisit le juge, ce dernier constatera que le drapeau a été retiré et déclarera qu’il n’y a pas lieu à statuer. Soit une sorte de blitz-illégalité qui ne laisse pas le temps au juge de réagir.

Cette affaire est ainsi différente des précédentes que Les Surligneurs ont pu commenté (comme ici ou ici). Habituellement, les drapeaux ou autres symboles illégalement placés au fronton des mairies le sont sur de longues périodes, ce qui permettait au préfet ou aux citoyens de saisir le juge, lequel statuait en 48 heures ou un peu plus, en déclarant l’action illégale et en prononçant la suspension de la décision du maire.

La mairie a d’ores et déjà annoncé qu’elle renouvellerait ce type d’action.